Sébastien Loeb aurait-il pu être un bon pilote de Formule 1 ?

Sébastien Loeb aurait-il pu être un bon pilote de Formule 1 ?

En novembre 2008, Red Bull, alors nouveau sponsor de Citroën en WRC, proposa à Sébastien Loeb un essai en Formule 1. Un test au volant d’une Red Bull qui s’acheva après 82 tours par un chrono de 1’22“503 sur le circuit de Catalogne, le plaçant en 8ème position des pilotes ayant roulé lors de cette journée d’essai. Malgré cette belle entrée en matière, Loeb, âgé de 34 ans déjà, n’eut l’opportunité d’entamer une carrière dans la catégorie reine du sport automobile et continua à imposer sa domination en WRC, sa discipline de cœur. Mais partons du principe qu’un baquet en F1 lui était promis et que Loeb entamait cette année-là une reconversion. Le plus grand pilote de rallye de l’histoire aurait-il pu être tout aussi excellent au volant d’une Formule 1 ? Tentons d’y apporter une réponse.

Sébastien Loeb possède des qualités essentielles pour performer en Formule 1

Nonuple champion du monde des rallyes en WRC, Sébastien Loeb n’a plus rien à prouver en termes de qualité de pilotage. Ses 79 victoires dans la catégorie reine du rallye ont démontré au fil des années tout le talent que possède naturellement le pilote alsacien. Des facultés peut-être innées, devenues de véritables atouts grâce à de multiples heures de travail, passées derrière un volant mais aussi en compagnie de toute une équipe dévouée à sa quête de l’excellence. 

« Ce n’est pas le meilleur dans tous les domaines, il l’est dans certain mais ce qui fait sa force, c’est qu’il n’est jamais mauvais dans d’autres. Il n’a pas de failles. Sa valeur moyenne est au-dessus de tous. » analysait Didier Clément, un ingénieur d’exploitation ayant travaillé au côté de Loeb lorsqu’il évoluait chez Citroën Racing. Le natif de Haguenau possède en effet un large panel de compétences ayant fait de lui le meilleur pilote de rallye de l’histoire. Doté de réflexes exceptionnels et d’un excellent sens de l’anticipation, Sébastien Loeb était taillé pour le rallye, à piloter sur des terrains instables, étroits et sinueux à la simple voix de son copilote de toujours, Daniel Elena. 

Sa gestion du stress est également à souligner. Peu importe les enjeux, Sébastien Loeb parvenait à mettre les émotions et tout autre élément susceptible de le perturber de côté, et garder ainsi une concentration intacte lorsqu’il s’agissait de rouler à plus de 150 km/h sur des chemins boueux au beau milieu d’une forêt de conifères. Enfin, ses excellentes connaissances techniques et mécaniques lui permettaient de mieux expliquer à ses ingénieurs son ressenti au volant et les modifications à apporter à sa voiture. Une communication efficace et ô combien essentielle permettant de préparer au mieux chaque spéciale. 

Dans l’hypothétique quête d’une reconversion en Formule 1, ses réflexes, sa capacité d’anticipation, sa concentration, sa gestion du stress ou encore son excellente connaissance technique auraient forcément été des atouts pour Sébastien Loeb, tant ils s’avèrent également être essentiels dans la catégorie reine du sport auto. Oui mais voilà, piloter une monoplace sur un circuit asphalté reste techniquement parlant bien différent que l’exercice du rallye. Qu’importe ses neuf titres de champion du monde des rallyes, Loeb aurait-eu beaucoup à apprendre, quitte à modifier quelque peu son style de pilotage.

S’adapter à l’exigence de la Formule 1

Cela aurait sans doute été l’un des grands enjeux si ce n’est le plus important. Si Loeb avait voulu être l’un des meilleurs pilotes de Formule 1, il aurait sans doute dû quelque peu revoir son style de pilotage. 

Habitué à courir à l’instinct sur les différentes spéciales, en s’adaptant au fil des kilomètres au revêtement changeant et en devant sans cesse corriger des trajectoires que les conditions météorologiques perturbent, Loeb aurait cette fois-ci été confronté à un univers au sein duquel la précision est le maitre mot. 

En Formule 1, le tracé d’un circuit ne change jamais. Repéré par les pilotes sur simulateur puis des dizaines et des dizaines de fois lors de séances d’essai libre, chaque centimètre d’asphalte est étudié, analysé et appris par cœur par les pilotes. L’effet de surprise que l’on peut retrouver en rallye, coupable des pires sorties de piste ou au mieux de la perte de quelques dixièmes, est ici inexistant. La Formule 1 est un sport de précision, dans un cadre bien plus sécuritaire, dont le but est de répéter au fil des tours la trajectoire parfaite permettant de réaliser le meilleur temps possible. Il n’est alors plus question d’instinct ou d’intuition comme en rallye. Connaissant le circuit par cœur, les pilotes de Formule 1 pourraient littéralement l’exécuter les yeux fermés. 

Pour devenir un excellent pilote de Formule 1, Loeb aurait ainsi dû s’adapter à cette nouvelle façon de courir reposant essentiellement sur l’exécution du geste parfait. Si la qualité des simulateurs permet de nos jours de mieux appréhender les divers circuits et leurs difficultés techniques, à bord d’une véritable monoplace, suivre la trajectoire idéale relève du défi tant les pilotes sont confrontés à d’importante contraintes physiques.

Des forces extérieures, provoquées par l’incroyable vitesse d’accélération et de décélération des Formule 1, auxquelles les pilotes de rallye sont bien moins habitués. Loeb qui courait sur des spéciales n’excédant jamais les 15 minutes à bord d’un véhicule bien moins puissant, devrait ainsi apprendre à encaisser et supporter davantage de g, le tout lors d’un Grand Prix durant en moyenne 1h30. Un défi de taille, possible uniquement grâce à une excellente préparation physique permettant de conserver son meilleur niveau de pilotage malgré la répétition des accélérations, des freinages et des virages. Si elle n’est pas impossible, la transition entre la WRC et le monde de la Formule 1 requiert tout de même de fortes adaptations. 

Un parcours loin du standard des pilotes de Formule 1

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette adaptation aurait été loin d’être facile chez Sébastien Loeb, tant son parcours ne ressemble en rien à celui des meilleurs pilotes de Formule 1.

Alors que Lewis Hamilton, Michael Schumacher ou encore Sebastian Vettel ont tous pratiqué le karting dès leur plus jeune âge avant de gravir les différents échelons en monoplace, Sébastien Loeb, lui, a découvert le sport automobile sur le tard et de manière relativement peu conventionnelle. Ayant pratiqué la gymnastique durant sa jeunesse, il est pris de passion pour les sports mécaniques suite à l’acquisition de sa première voiture à l’âge de 18 ans : Une Renault Super 5 GT Turbo en partie financée par sa grand-mère.

Bien loin des circuits automobiles, il découvrit sa passion pour la vitesse au travers de courses clandestines organisées dans sa ville natale et ses environs. Malgré ses ennuis récurrents avec la gendarmerie, sa capacité à emprunter les meilleures trajectoires possibles sur route ouverte le convint en 1995 à faire ses premiers pas dans le monde du rallye grâce à l’opération de détection Volant Rallye Jeunesqu’il remporta avant d’être finalement rétrogradé à la seconde place. Sébastien Loeb était alors âgé de 21 ans et ne connaissait pas encore le sport automobile au niveau professionnel. À ce même âge, Sébastian Vettel avait déjà des années de pratique en karting puis en monoplace et faisait ses débuts dans la catégorie reine du sport auto. Deux parcours totalement différents. En cas d’une hypothétique reconversion en Formule 1, Sébastien Loeb n’aurait peut-être jamais pu rattraper ce retard et les multiples avantages qu’une pratique du sport automobile débutée dès le plus jeune âge procure.

Piloter une voiture de rallye à plus de 150km/h sur des chemins de terre sinueux est très différent que de piloter une Formule 1 à plus de 300km/h sur un circuit au revêtement parfaitement asphalté. Son aventure en WRC et ses titres de champion du monde glanés au fil de sa carrière ont inévitablement développé chez Sébastien Loeb des qualités essentielles permettant de briller dans la catégorie reine du sport automobile. Mais cela lui a aussi conféré un style de pilotage instinctif, reposant sur l’adaptation vis-à-vis du terrain. Tout le contraire de la Formule 1, catégorie reposant en partie sur la parfaite maitrise du circuit et de ses trajectoires. 

Dans le cas d’une hypothétique reconversion en F1, Loeb aurait donc eu beaucoup à apprendre. Confronté à des forces d’accélérations bien plus importantes en F1 qu’en WRC, il lui aurait été également nécessaire de se construire un physique capable de résister aux nombreux g encaissés pendant un Grand Prix. 

Aurait-il pu s’adapter à toutes ces nouveautés et devenir un excellent pilote de Formule 1 ? S’il avait découvert cette discipline en étant bien plus jeune, cela semble fort probable. Ses qualités naturelles de pilotage auraient même pu faire des étincelles. Mais lors de son essai avec Red Bull en 2008 à l’âge de 34 ans, cela semblait d’ores et déjà trop tard. Piloter les meilleures voitures du plateau ne s’improvise pas. Et n’ayant jamais eu la moindre expérience en monoplace, peut-être aurait-il dû commencer par faire ses preuves dans des catégories inférieures. 

D’ailleurs, si à l’instar de Kimi Raïkönnen ou encore Robert Kubica on retrouve de nombreux pilotes de Formule 1 s’étant reconvertis en rallye, ce n’est pas étonnant si l’inverse ne semble jamais s’être produit. Passer du rallye à la Formule 1. L’exigence de la catégorie reine du sport auto semble trop importante pour l’espérer. 

Pour en savoir plus :

https://www.lemonde.fr/sport/article/2013/05/04/pourquoi-sebastien-loeb-est-il-le-meilleur-pilote-de-rallye-au-monde_3170997_3242.html

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