Quelles disciplines sportives pratiquait-on dans la France du Moyen-Âge ?

Quelle discipline sportive pratiquait-on dans la France du Moyen-Âge ?

Le Moyen-Âge est bien souvent perçu comme une période de transition, parfois qualifiée d’obscure. Un millénaire faisant office de pont entre l’Antiquité et la Renaissance, durant lequel la barbarie des guerres féodales et la puissance de l’Église n’ont laissé que trop peu de places aux hommes pour s’épanouir culturellement. 

Mais est-ce bien la réalité ? D’un point de vue sportif, pas du tout. À mi-chemin entre les pratiques antiques et nos disciplines modernes, le Moyen-Âge a vu émerger bon nombre de nouveaux sports. Certains d’entre-eux ont d’ailleurs laissé un large héritage culturel, ayant fait de nos disciplines actuelles ce qu’elles sont aujourd’hui. Alors, quel sport pratiquait-on au Moyen-Âge ? 

Le déclin des pratiques sportives antiques

Si ce déclin s’est certes fait progressivement, l’an 393 reste une date ô combien importante, permettant d’expliquer cette fin des pratiques sportives caractéristiques de la Grèce antique. 

Cette année-là, Théodose 1er, dernier empereur Romain et ayant fait du christianisme la religion officielle de son Empire, ordonna l’interdiction de toutes les pratiques sportives jugées païennes. Une réforme sonnant l’arrêt des Jeux Olympiques antiques et la progressive disparition des disciplines associées. 

L’athlétisme fut la discipline la plus fortement impactée. Les courses, les sauts et les lancers tombèrent dans une désuétude que seul la Renaissance et ce renouveau des pratiques et enseignements gréco-romains put inverser. 

La lutte, considérée par beaucoup comme le plus vieux sport du monde, sut en revanche se frayer un chemin dans l’obscurité moyenâgeuse. Pratiquée essentiellement par l’élite sociale, elle donnait lieu à des combats organisés dans les palais et les châteaux des rois, princes et ducs qui aimaient entretenir une équipe de lutteur. En France, il se disait d’ailleurs que les lutteurs bretons comptaient parmi les meilleurs. Ces derniers possédaient en outre leur propre style de lutte : Le Gouren (signifiant « lutte » en breton). Pratiqué uniquement debout, il aurait été importé par les Britanniques au cours des divers mouvements migratoires du IVème siècle et représentait-là un parfait entrainement pour les classes guerrières, bien qu’il ne soit pas à exclure que le peuple s’adonnait également à ce style de lutte. 

Sur le sol Français comme dans une bonne partie de l’Europe, d’autres disciplines antiques ont également réussi à perdurer au Moyen-Âge. Le tir à l’arc et les sports équestres en sont le parfait exemple. À l’instar de la lutte, leur pratique se cantonnait cependant à un usage purement guerrier, laissant de côté l’aspect loisir et cette notion de divertissement. Oui, le sport durant le Moyen-Âge avait généralement un intérêt militaire. Pas étonnant qu’en 1365 de l’autre côté de la Manche, le Roi d’Angleterre Edouard III publia une ordonnance visant à interdire l’ensemble des pratiques sportives à l’exception du tir à l’arc. La Guerre de Cent et la forte mobilisation des troupes britanniques qu’elle engendrait n’y était certainement pas pour rien. 

Le tournoi de chevalerie, l’incontournable épreuve moyenâgeuse

Principalement pratiqué dans les territoires du Nord de la France à ses débuts au XIème siècle avant de se répandre dans le reste de l’Europe, le tournoi était pour les nobles le divertissement moyenâgeux par excellence. 

Du moins, si l’on peut parler de véritable divertissement. Car à ses débuts, peu de règles régissaient cette pratique. Lors des plus grands tournois, plusieurs milliers de chevaliers se réunissaient dans un seul et même champ, divisés en deux compagnies armées prêtes à en découdre. S’il ne s’agissait pas là d’une véritable guerre, les tournois étaient à leurs débuts très violents et les accidents mortels n’étaient pas rare. Les chevaliers tombés à terre, eux, étaient parfois fait prisonnier et devaient s’acquitter d’une redevance pour négocier leur liberté. Une façon de s’enrichir pour les troupes adverses qui n’hésitèrent pas non-plus à s’emparer des armes et du butin de leurs rivaux. 

Au fil des décennies, ces affrontements barbares et sans vertus que l’Église réprimait tant se raréfièrent et laissèrent place à des tournois bien plus organisés. Faut dire que la chevalerie était devenue un véritable art de vivre au sein duquel se mêlait pratiques guerrières et règles de bonne conduite. 

Ainsi, on assista au cours du XIIème siècle à des tournois bien plus codifiés. Des lices entouraient désormais le champ de bataille, des arbitres assuraient le bon déroulement de chaque affront tandis que le public s’amassait en nombre derrière les lices pour assister à ces combats dans une ambiance festive, sous le son des trompettes et du héraut. 

Une codification marquant l’arrivée des premières joutes. Non pas moins spectaculaires, elles voyaient s’affronter deux chevaliers en duel, lancés à pleine vitesse, lance à la main, avec comme cible commune l’écu de l’adversaire et l’espoir d’y placer un impact suffisamment percutant pour le déséquilibrer. Des affronts tout aussi impressionnants et divertissants que le tournoi originel, entre deux armées, barbare et sanglant, tomba en désuétude. 

Les tournois de chevalerie et leurs joutes équestres devinrent ainsi un véritable spectacle. La mort n’était plus une option. Pour garantir l’intégrité physique des participants, des lices permettaient d’établir deux couloirs distincts au sein desquels chaque chevalier venait s’y placer et ainsi éviter un brutal choc de face. Les armures étaient également plus lourdes et plus robustes. Pouvant avoisiner les 45kg, les chevaliers, également restreints par un heaume qui limitait la vision rapprochée, n’avaient d’autre choix que de se faire aider par leurs écuyers lorsqu’ils grimpaient sur leur monture.

Rythmant la seconde moitié du Moyen-Âge, ces joutes gagnèrent les cours européennes les plus prestigieuses par le biais d’une pratique des plus courtoises : Le pas d’armes. Un style d’affrontement exclusif aux Nobles, plaçant l’affront et le combat en second plan au profit d’une mise en scène théâtrale et majestueuse. Les chevaux montés étaient ainsi richement ornés et aux couleurs des armoiries du chevalier tandis que les affrontements étaient bien moins agressifs et se limitaient parfois à de simples coups d’épée échangés avec son adversaire. 

Fortement populaires, toutes ces pratiques connurent cependant en France une fin brutale en l’an 1559, suite au décès du Roi Henri II à la suite d’une joute équestre organisée en l’honneur du double mariage de sa sœur et de sa fille. Un tragique incident provoquant l’arrêt immédiat des tournois, des joutes équestres et autres jeux d’armes au sein du Royaume de France. De telles pratiques qui au fil des années furent remplacées par divers jeux d’adresse, ainsi que des spectacles équestres mêlant ballet et figures, le tout accompagné d’un orchestre musical. 

Une période transitoire voyant l’émergence des ancêtres de nos disciplines modernes

Loin de ces tournois exclusifs aux chevaliers et à la haute société, la classe basse, elle, s’adonnait également à des activités physiques en tout genre. Des divertissements parfois tout aussi violents que les joutes, pratiqués aussi bien dans les rues que sur des places ou encore dans les champs, et avec des règles plus ou moins bien définies. Vous l’aurez compris, le sport dans la France du Moyen-Âge restait très folklorique. Mais ces diverses pratiques eurent cependant le mérite d’inspirer bon nombre de nos sports actuels. 

La soule en est l’exemple parfait. Apparu dans le Nord de la France durant la seconde partie du Moyen-Âge, ce divertissement se distinguait par son manque évident de règle, donnant inévitablement lui à de nombreux incidents. Pratiqué par les classes populaires, seul un principe permettait en réalité de régir ce sport d’équipe : Déposer une balle en cuir dénommée soule dans un but défini au préalable. 

Pour le reste, tout ou presque était permis. Les équipes n’avaient aucune limite de taille, le ballon pouvaient être touché avec toutes les parties du corps, le terrain n’avait aucune délimitation tandis que les buts pouvaient correspondre aussi bien à une petite mare qu’à la devanture d’une Église. 

Ainsi, à la fin du Moyen-Âge, on assistait généralement en hiver à des parties de soule gigantesques, opposant parfois deux villages voisins. Le jeu étant un poil brutal, il se terminait généralement avec des blessures en tout genre si ce n’est la mort de l’un des joueurs. S’emparer du ballon en cuir se méritait. Tous voulaient remporter cette manifestation sportive qui, dans les us et coutumes, annonçait fertilité et récoltes abondantes pour les grands gagnants. 

Mais l’absence de règles définies et le caractère barbare de la soule eurent raison de cette discipline. Interdit à de nombreuses reprises au cours du XIXème siècle, le jeu de soule s’essouffla, cédant sa place à des pratiques peut-être moins violentes. Le football et le rugby, deux disciplines encore confondues au cours du XIXème siècle, sont possiblement des descendants de ce sport de la France du Moyen-Âge. La pratique de la soule traversa en effet la Manche, contribuant ainsi à populariser les sports de balle en Grande-Bretagne. On parle de nos jours de folk football, ou football de masse pour désigner l’ensemble de ces jeux de balle moyenâgeux tel la soule qui, en territoire britannique, inspirèrent écoles et universités du XIXème siècle. Modifiant et adaptant à leur guise les règles de ces sports collectifs archaïques, ils donnèrent ainsi naissance aux premières codifications de nos disciplines contemporaines tel le rugby ou le football. 

Autre sport de balle gagnant en popularité durant la seconde moitié du Moyen-Âge : Le jeu de paume. Les sources les plus anciennes dont nous avons actuellement connaissance dateraient l’apparition de cette discipline au XIIème siècle. Il n’est pour autant pas illégitime de penser que l’invention du jeu de paume, ou du moins un de ses ancêtres, puisse remonter à un ou plusieurs siècles auparavant. 

Quoi qu’il en soit, cette pratique naquit en France et commença à se populariser au cours du XIIIème siècle. Joué par la classe moyenne à ses débuts, le jeu de paume était durant ses premières années un sport que l’on pratiquait à l’extérieur, aussi bien en individuel qu’en équipe, et bien souvent en s’aidant des murs et de tout autre élément environnant. Le concept, lui, était simple : Se renvoyer une balle appelée éteuf à l’aide de ses mains jusqu’à ce qu’un des adversaires ne soit point capable de la renvoyer avant les deux rebonds fatidiques.

La toute fin du Moyen-Âge vit l’apparition des premières salles dédiées à la pratique du jeu de paume. À cette même occasion, naquit la courte paume, par opposition à la longue paume pratiquée en extérieur sur des terrains de bien plus grandes dimensions. En intérieur, un filet séparait désormais le terrain en deux tandis que l’usage de gants devenait plus fréquent, avant que ceux-ci ne cédèrent leur place aux battoirs puis aux raquettes durant le XVIème siècle. 

Gagnant rapidement en popularité, le jeu de paume était désormais pratiqué par toutes les catégories sociales. Si les classes populaires se cantonnaient principalement à la longue paume, la bourgeoisie comme la noblesse favorisaient quant à eux la pratique en intérieur. Le Roi de France Louis X fut d’ailleurs l’un des premiers joueurs identifiés de l’histoire, lui qui décéda en 1316 d’une pneumonie après avoir bu du vin frais en pleine partie de jeu de paume. 

Premier sport de raquette de l’histoire, la courte paume fit naitre quelques siècles plus tard le tennis. C’est à la suite de son importation en Angleterre que la transition entre ces deux disciplines se fit. Dénommé real tennis de l’autre côté de la Manche, le jeu de paume devint le lawn tennis lorsque celui-ci fut adapté pour être pratiqué sur gazon. Durant la seconde moitié du XIXème siècle, l’apparition des premières balles en caoutchouc fit officiellement office de séparation entre le jeu de paume et notre tennis actuel. Une discipline nouvelle, dénommée à ses débuts Sphairistike d’après le brevet déposé par le Major Walter Clapton Wingfield en 1874. 

Mais parler du sport dans la France du Moyen-Âge ne peut se résumer qu’aux tournois de chevalerie, à la soule et au jeu de paume. Peut-être moins physiques mais certainement plus ludiques, chaque région composante du Royaume de France possédait leurs propres divertissements. Des us et coutumes faisant partie intégrante d’une culture locale marquée.

À grande échelle, on retrouvait au sein de l’Hexagone bon nombre de jeux de quilles ou de boules dont chaque région avait sa propre variante. Les quilles de neuf pratiqués dans le Sud-Ouest, la boule bretonne dans l’Ouest ou encore la Bourle dans le Nord sont d’autant de pratiques régionales attestées en France à la sortie du Moyen-Âge. Si pour la majorité d’entre elles, leur pratique se cantonne de nos jours à un simple territoire local grâce à des individus attachés aux valeurs ancestrales de leur région, certaines variantes de ces disciplines traditionnelles connurent un succès national, à l’image de la pétanque, voire international tel le bowling. Une discipline ayant fait son apparition aux États-Unis après que des colons européens aient importé les jeux de quille sur le continent américain.  

Voilà ce qu’était le sport dans la France du Moyen-Âge. Il n’y avait pas encore matière à organiser des Jeux Olympiques certes, mais la pratique sportive dans le Royaume de France ne se résumait pas qu’aux simples tournois de joutes pratiqués par les chevaliers et autres pratiques guerrières tel le tir à l’arc. Localement comme nationalement, de nouveaux divertissements émergèrent, joués cette fois-ci par la classe moyenne durant leur temps libre. Et si le renouveau des pratiques antiques et l’essor des sports britanniques que connut la France à partir du XIXème siècle ont fait sombrer ces jeux et sports du Moyen-Âge, leur héritage reste malgré tout indélébile, visible lorsque l’on joue au tennis, au football, au rugby ou à divers jeux de boules ou de quilles. Alors ? Tout était vraiment à jeter au Moyen-Âge ?

Pour en savoir plus :

https://www.lhistoire.fr/les-grandes-heures-des-tournois

http://www.federation-longue-paume.fr/page/histoire

http://squashjeudepaume.com/le-jeu-de-paume

https://www.cairn.info/journal-ethnologie-francaise-2009-3-page-471.htm

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