Pourquoi les All Blacks sont si forts ?

Pourquoi les All Blacks sont si forts ?

Crédit : CC BY-SA 2.0 by Natural-Heart

La Nouvelle-Zélande, cette île d’Océanie d’à peine 5 millions d’habitants fait figure dans le monde du rugby de bête noire. Depuis leur premier match officiel en 1903, ceux que l’on surnomme les All Blacks terrassent toutes les plus grandes nations du rugby en affichant contre chacun de leurs adversaires un ratio victoire / défaite positif. Mais alors, comment ce pays si peu peuplé fait-il pour dominer depuis plus d’un siècle le monde du rugby et des nations possédant un vivier bien plus fourni ?

Un pays vivant pour le rugby et son équipe nationale

Discipline née en Angleterre durant le XIXème siècle, le rugby migra au fil des échanges vers les différentes régions du Commonwealth et la Nouvelle-Zélande n’échappa guère à cette tendance. Importée sur cette île d’Océanie à la fin des années 1860, cette discipline se plut rapidement en terre néo-zélandaise. Dans la région de Canterbury, une première fédération vit le jour en 1879 permettant de mieux organiser la pratique du rugby. Des clubs virent le jour, des rencontres se programmèrent et la ferveur monta peu à peu autour de cette discipline. 

De nos jours, le rugby est le sport le plus populaire en Nouvelle-Zélande. Sur cette île d’environ 5 millions d’habitants, environ 3% de la population possède une licence dans l’un des 600 clubs que compte le pays. Un chiffre faisant pâlir toutes les plus grandes fédérations nationales. À l’échelle de la France, cela représenterait plus de 2 millions d’adhérents pour la FFR qui passerait ainsi devant la Fédération Française de Football. Du côté des plus grandes nations du rugby tel l’Angleterre, l’Irlande, l’Afrique du Sud ou encore l’Australie, aucune ne peut rivaliser avec de tels chiffres. D’ailleurs, au sein de ces pays, le football pour les uns, le football gaélique pour les autres ou encore le cricket détrônent le rugby au classement des sports les plus prisés. 

Ainsi, parmi toutes les plus puissances du rugby, le cas de la Nouvelle-Zélande est unique. Là-bas, les enfants reçoivent dès leur plus jeune âge un ballon ovale entre leurs mains. Ils le pratiquent à l’école, puis dans les collèges et lycées qui possèdent pour la grande majorité d’entre eux leur propre équipe de rugby. À la pause du midi ou après les cours, des jeunes se regroupent et jouent sur l’un des nombreux terrains que compte le pays, ou même plus modestement sur une simple étendue d’herbe. 

Le rugby est très pratiqué, il s’avère être tout autant suivi et regardé. Les résultats des All Blacks sont scrutés de près par la population et influent directement sur l’humeur de cette dernière. Leur sélection nationale est une véritable fierté pour eux. Au fil de leurs succès, les hommes en noir ont réussi à attirer la lumière sur leur petite île d’Océanie si bien que de nos jours, aucun autre pays du globe n’est autant associé à une même et unique discipline sportive. Jouissant d’une population multiculturelle, la Nouvelle-Zélande trouve au sein de leur équipe nationale le symbole d’une union entre les différentes ethnies. Des hommes « blancs » descendant des colons européens aux Maoris représentant à l’heure actuelle 15% de la population néo-zélandaise, toutes les origines se côtoient, apportent leurs us et coutumes et se tirent mutuellement vers le haut pour former sur le terrain un collectif puissant et soudé. Un symbole de paix et d’unité au sein d’un pays qui par le passé, connut de vives périodes de tension entre les peuples autochtones et les nouvelles populations venues d’Europe. 

Un glorieux passé à honorer

Du côté des All Blacks, il est de tradition d’offrir à chaque nouveau joueur un livre retraçant les heures les plus glorieuses de ce collectif. 

Un manuscrit au sein duquel est conté les plus beaux exploits du XV néo-zélandais, de la première tournée des Originals en Europe au début du XXème siècle, s’achevant sur un bilan de 34 victoires en 35 matchs disputés, au triple sacre de cette nation en Coupe du Monde. À la fin de cet ouvrage, des pages sont laissées blanches. Elles incitent les nouveaux joueurs à s’inscrire dans la lignée de leurs illustres prédécesseurs en continuant à écrire de nouveaux chapitres, se devant être aussi glorieux que les précédents.

Depuis leur premier match officiel disputé en 1903 face à l’Australie, la Nouvelle-Zélande est indiscutablement la nation la plus forte de l’histoire du rugby. Ayant remporté près de 80% de leurs matchs, possédant un bilan positif face à tous leurs adversaires et n’ayant jamais manqué un quart-de-finale en Coupe du Monde, la domination des All Blacks fut presque ininterrompue, leur période de creux, éphémère. 

Ainsi, lorsque les joueurs enfilent ce maillot noir, ils sont comme investis d’une mission. Celle de faire honneur à ce glorieux passé. Un riche héritage qui les incite à se battre corps et âme sur le terrain et ne jamais rien lâcher jusqu’au coup de sifflet final, au nom de leurs brillants prédécesseurs qui de tout temps firent briller ce collectif. 

Crédit : CC BY-SA 2.0 par Jean-François Beauséjour

Une intelligence de jeu développée dès le plus jeune âge

Le XV Néo-Zélandais regroupe des hommes dotés d’une génétique hors-normes. Des colosses Maoris qui, pour les plus précoces d’entre eux, dépassaient les 1,85m et atteignaient les 100kg dès leur adolescence, terrassant leurs adversaires dans les sélections juniors.

Mais en Nouvelle-Zélande, l’apprentissage du rugby est avant tout une question de technique. Avant le développement de la force et de l’explosivité, on enseigne aux jeunes rugbymen la technicité du jeu en travaillant les passes, le placement, les esquives, le sens du collectif ou encore les façons d’attraper un adversaire filant vers l’en-but. Dans les catégories les plus jeunes, le plaquage est interdit tandis que les actions en force ne sont guère valorisées.

Pour que cette formation auprès des jeunes se déroule dans les meilleures conditions possibles, les instances néo-zélandaises de rugby mirent au point un système de catégorie novateur, non pas basé sur un critère d’âge mais en fonction du poids des joueurs.

Une catégorisation plus égalitaire permettant à tous de se tirer mutuellement vers le haut. Les jeunes joueurs les plus costauds et les plus avancés dans leur développement physique affrontent ainsi des adversaires de même calibre, tandis que les rugbymen les plus frêles restent entre eux et peuvent développer leur vitesse, leur agilité et leur technicité face à des joueurs possédant les mêmes qualités qu’eux. À la fin, qu’importe le physique de chacun et l’avantage qu’il peut conférer ou non durant l’adolescence, seuls les meilleurs et les plus doués techniquement pourront espérer un jour porter le maillot noir orné de la fougère argentée. 

La règle du contrat fédéral assure une cohésion d’équipe

Caractéristique unique au monde : Pour pouvoir prétendre à la sélection nationale, les joueurs néo-zélandais doivent être titulaires d’un contrat fédéral les liant à un club ou une franchise néo-zélandaise. En d’autres termes, pour être All Blacks, il faut impérativement jouer en Nouvelle-Zélande.

Bien que de rares exceptions ont existé à l’image du cas de Sam Whitelock, deuxième ligne néo-zélandais parti jouer au Japon et toujours sélectionnable en équipe nationale, l’immense majorité des joueurs partis rejoindre un club européen doivent dire adieu au maillot noir de leur pays. Ce fut notamment le cas de Dan Carter lorsqu’il décida de s’engager en 2015 pour le Racing 92, mettant fin à douze années de bons et loyaux services rendus aux All Blacks.

Cette particularité forge l’unité du collectif néo-zélandais. En Super Rugby, la plus prestigieuse ligue de rugby d’Océanie au sein de laquelle évoluent les meilleurs joueurs, six franchises néo-zélandaises font face à cinq franchises australiennes et une fidjienne. Autrement dit, en dehors de leurs matchs internationaux, l’immense majorité des All Blacks jouent le reste de l’année au sein du même championnat, répartis dans cinq équipes différentes. Ainsi, ils s’entrainent ensemble dans leurs franchises respectives, s’affrontent chaque semaine et finissent par se connaitre par cœur, offrant une cohésion naturelle lorsqu’ils se retrouvent tous sous le même maillot noir de leur nation. 

L’autre avantage est qu’une saison de Super Rugby ne dure que quatre mois. Chaque franchise joue 14 matchs de saison régulière avant une éventuelle phase finale pour les meilleures. Ainsi, cette courte saison garantie fraicheur aux joueurs néo-zélandais lorsque vient le temps des tournées internationales. Avec un emploi du temps si peu chargé, ils disposent également de plus de périodes consacrées à la sélection nationale durant lesquelles les All Blacks se retrouvent, s’entrainent ensemble et jouent face à d’autres sélections internationales. À titre d’exemple, du mois de juillet 2022 à la fin de cette année, les joueurs néo-zélandais auront enchainé un total de treize rencontres là où le XV de France en a disputé cinq. 

Un recrutement réalisé en dehors des terres Néo-Zélandaises

L’article 8.1 du règlement de la Fédération Internationale de Rugby l’autorise à toutes les sélections nationales. Il est possible de recruter un joueur étranger, à condition que ce dernier ait vécu au moins trois ans dans son nouveau pays d’adoption et qu’il n’ait jamais joué avec l’équipe nationale de son pays natal. 

Si beaucoup de sélections y compris le XV de France ont de temps à autre recours à cette règle, certaines nations sont connues pour utiliser ce droit bien plus fréquemment. L’équipe nationale néo-zélandaise en fait partie. Au cours de son histoire, elle pilla à de nombreuses reprises les viviers des îles voisines en proposant aux joueurs les plus prometteurs de porter le maillot noir à la fougère argentée. Les Tonga, les Fidji ou encore les Samoa en pâtissent directement, voyant certains de leurs meilleurs talents rejoindre une sélection rivale.

Parmi les recrutements les plus marquants réalisés par le XV néo-zélandais, notons le cas du centre Tana Umaga, originaire des Samoa et ayant joué pas moins de 74 matchs entre 1997 et 2005 sous le maillot des All Blacks. L’année de son retrait, l’ailier fidjien Sitiveni Sivivatu rejoignit à son tour le collectif néo-zélandais et s’imposa très vite comme un élément fort en attaque. 

La ferveur de tout un peuple derrière eux, un glorieux passé à honorer et une gestion nationale du rugby permettant de former des joueurs doués techniquement, se connaissant par cœur et à l’esprit d’équipe irréprochable. Voilà ce qu’est la recette magique des All Blacks. Profitant également de l’article 8.1 de la fédération internationale pour se renforcer en recrutant des joueurs issus des îles voisines, l’ensemble de ces éléments leur permit de s’imposer comme la plus grande nation du rugby en remportant trois Coupe du Monde et en possédant un bilan positif face à tous leurs adversaires. 

Si leur domination a parfois été quelque peu mise à mal, à l’image de ces années 2021 et 2022 durant lesquelles ils enchainèrent six défaites en l’espace de huit matchs (Une première depuis 1949 !), la Nouvelle-Zélande a toujours su se remettre en question et se sortir de ces mauvaises passes en renouvelant leur effectif et en proposant sur le terrain des changements concernant leur nouveau style de jeu. En d’autres termes, les All Blacks ne sont jamais à enterrer. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *