À quoi ressemblaient les Jeux Olympiques de Paris en 1924 ?

À quoi ressemblaient les Jeux Olympiques de Paris en 1924 ?

Crédit : Agence Rol / Gallica

Dans moins de six mois, la vasque olympique s’enflammera et Paris accueillera, un siècle après les derniers, les Jeux Olympiques d’été pour la troisième fois de son histoire. L’occasion de se replonger 100 ans en arrière, et redécouvrir la dernière olympiade organisée dans la capitale française, en 1924. 

Samedi 5 juillet 1924, au stade de Colombes. Vingt-quatre années après la débâcle des Jeux de Paris de 1900, décriés et considérés par beaucoup comme une grande kermesse désorganisée et sans réel intérêt sportif, le baron Pierre de Coubertin assistait depuis les tribunes à la cérémonie d’ouverture de la VIIIe olympiade du nom. Lui, à quelques mois de quitter le mouvement olympique et céder sa place de directeur du CIO, voulait redresser la barre et prouver que la capitale française était capable d’accueillir avec réussite un tel événement.

Les athlètes étaient au rendez-vous. Derrière leurs drapeaux respectifs, quarante-quatre délégations issues des cinq continents défilaient sur la piste d’athlétisme du stade de Colombes, bordée par 44 000 spectateurs massés dans les tribunes. L’Équateur, l’Irlande, les Philippines, la Lituanie et l’Uruguay honoraient leur première apparition. L’événement réunissait un total de 3 089 athlètes pour seulement 135 femmes, limitées à seulement quatre des dix-sept sports au programme : l’escrime, le tennis, les sports aquatiques (natation et plongeon) et la voile.

Entouré de tous les porte-drapeaux, le double médaillé olympique Géo André prononçait le serment olympique au centre de la pelouse. Les Jeux Olympiques de 1924 pouvaient débuter, officiellement ouverts par le président de la République Gaston Doumergue. 

Un village olympique parmi les nombreuses nouveautés

Jamais les délégations n’avaient été hébergées en un même lieu, c’est désormais chose faite. Vingt-huit années après la première olympiade de l’ère moderne, l’événement se dotait d’un village olympique. Un lotissement fait de baraquements en bois un peu spartiates, construits temporairement dans la ville de Colombes. Les athlètes logeaient sur place, avaient droit à trois repas offerts par jour et jouissaient de quelques services utiles tel un bureau de change, un bureau de poste, un kiosque à journaux, un salon de coiffure et une blanchisserie. L’immense majorité des sportifs y résidaient, à l’exception de la délégation américaine, privilégiant une mise au vert dans le parc du château de Rocquencourt. 

Le village olympique
Le village Olympique, crédit : Agence Rol / Gallica

Autre nouveauté de taille, les épreuves de natation avaient enfin droit à un bassin clos de 50 m. La piscine des Tourelles, spécialement construite pour l’occasion dans le 20e arrondissement de Paris, équipée d’un bassin à ciel ouvert et de huit couloirs délimités par des lignes d’eau permettant de séparer les nageurs. Une demande faite par le Comité International Olympique, afin de se prémunir d’une polémique similaire à celle des précédents Jeux à Anvers, lorsque le nageur australien William Herald portait réclamation au terme de la finale du 100 m nage libre, estimant avoir été gêné par son concurrent américain Norman Ross. Herald obtenait gain de cause et la disqualification de Ross, la finale fut à nouveau nagée. 

Enfin, le mouvement olympique profitait des Jeux de Paris pour mettre à l’honneur deux nouveaux symboles. L’expression « Citius, Altius, Fortius » ( « Plus vite, plus haut, plus fort » ) devenait officiellement la devise olympique, tandis que la cérémonie de clôture s’achevait pour la première fois par la levée de trois drapeaux. Aux côtés du drapeau olympique et celui du pays organisateur, était désormais hissé le drapeau de la prochaine nation hôte, en l’occurrence les Pays-Bas. 

Un match de water-polo dans la piscine des Tourelles, crédit : Agence Rol / Gallica

Des concours d’art aux côtés des épreuves sportives

Aux Jeux Olympiques, il fut un temps où l’art côtoyait les performances sportives des illustres champions. Depuis 1912 et les Jeux de Stockholm, des concours artistiques figuraient au programme olympique, déclinés en cinq catégories qu’étaient l’architecture, la littérature, la musique, la peinture et la sculpture. 

Après deux premières expériences au retentissement mitigé, le succès était cette fois-ci au rendez-vous. Dans la capitale française, 193 artistes issus de 24 pays se présentèrent à ces concours, exposant leurs œuvres sous la nef du Grand Palais. Les jurys en charge de les départager comportaient quelques grands noms de leurs disciplines respectives. En musique, les candidats présentaient leur symphonie devant Igor Stravinsky, Arthur Honegger, Manuel de Falla ou encore Maurice Ravel. D’ailleurs, aucun artiste ne réussit à convaincre ces illustres compositeurs qui décidèrent, d’un commun accord, de n’attribuer aucune médaille.  

En littérature, en peinture et en sculpture, Géo-Charles, le Luxembourgeois Jean Jacoby et le Grec Constantin Dimitriadis remportaient respectivement ces trois concours. Le premier grâce à une pièce de théâtre intitulée Les Jeux Olympiques, le second pour son triptyque nommé Trois études sportives et le dernier pour son Lanceur de disque finlandais, une sculpture reprenant les codes des œuvres antiques. Qu’importe la discipline, toutes les œuvres présentées devaient respecter la thématique du sport et des Jeux Olympiques. 

Sportivement, ces Jeux de Paris réunissaient dix-sept sports différents et quelques disciplines de démonstration, parmi lesquelles la pelote basque, la savate ou encore la canne de combat. Aucun nouveau sport ne fit son apparition au programme, si ce n’est le canoë-kayak, en tant que discipline de démonstration.

En revanche, les Jeux de 1924 marquèrent la disparition du rugby à XV du programme olympique. Discipline partiellement présente depuis l’édition de 1900, la finale opposant en 1924 la France aux États-Unis fut la plus chaotique de l’histoire. Les Américains l’emportèrent au terme d’un match entrecoupé par de nombreuses bagarres, provoquées par des joueurs indisciplinés. En tribune, le public n’était pas en reste. Mécontents de la tournure que prenait cette rencontre, quelques supporters français s’attaquèrent au peu de spectateurs venus des États-Unis, tandis que la levée du drapeau américain fut copieusement sifflée par la majorité des 22 000 spectateurs. Ce match et cette ambiance délétère avaient sali l’image du rugby à XV, la discipline ne fut, plus jamais, inscrite au programme olympique. 

Arrivée du relais 4x100 m au stade de Colombes, crédit : Agence Rol / Gallica
Arrivée du relais 4×100 m au stade de Colombes, crédit : Agence Rol / Gallica

Tarzan survole les bassins, l’incroyable génération des “Finlandais volants”

Comme lors des précédentes olympiades, les États-Unis terminèrent en tête du tableau des médailles, remportant plus du tiers des épreuves avec quarante-cinq médailles d’or. Johnny Weissmuller, leur athlète le plus décoré, était un spécialiste des épreuves de nage libre. Dans le bassin de la piscine des Tourelles, le jeune Américain de 20 ans décrocha trois titres sur 100 m, 400 m et 4 x 200 m nage libre. Un palmarès qu’il étoffait quatre années plus tard avec deux nouvelles médailles d’or glanées aux Jeux d’Amsterdam, avant de se tourner vers une carrière dans le cinéma et incarner le personnage de Tarzan durant les années 1930. 

Mais Johnny Weissmuller n’était pas l’athlète le plus médaillé de ces Jeux. Sur piste, le Finlandais Paavo Nurmi était la tête de proue d’une talentueuse délégation finlandaise. Les « Finlandais volants » de leur surnom, briguant un total de dix titres olympiques sur des épreuves de fond et de demi-fond. Vainqueur du 1 500 m, du 5 000 m, du 3 000 m par équipes et du cross-country individuel et par équipes, Paavo Nurmi repartait de Paris avec cinq médailles d’or autour du cou. Son compatriote Ville Ritola remportait le 3 000 m steeple et le 10 000 m, tandis qu’Albin Steenroos était sacré champion olympique du marathon. En ajoutant les succès de Jonni Myyrä au lancer du javelot et d’Eero Lehtonen en pentathlon, la Finlande glanait dix titres olympiques en athlétisme, les classant second au tableau général avec quatorze médailles d’or.

Un titre de plus que la France qui, malgré son avantage d’être la délégation la plus fournie (401 athlètes français), ne put rivaliser face aux Américains et Finlandais. À lui seul, l’escrimeur Roger Ducret apportait cinq médailles à la France, dont trois en or, faisant de lui l’athlète tricolore le plus médaillé lors d’une seule et même olympiade (record égalé par Quentin Fillon-Maillet à Pékin en 2022). En cyclisme, Armand Blanchonnet remportait, sur route, la course en ligne en individuel et par équipes. La France remportait également le tournoi de water-polo et glanait des médailles d’or en gymnastique, haltérophilie, lutte et tir. 

Voilà ce qu’étaient les Jeux olympiques de Paris il y a un siècle. Ils s’achevèrent le 27 juillet au terme d’une cérémonie de clôture qui, pour la première fois de l’histoire, n’était pas qu’un simple discours prononcé par le président du CIO. 

L’année suivant l’événement, le Baron Pierre de Coubertin quittait ses fonctions à la tête du Comité International Olympique, cédant sa place au Comte belge Henri de Baillet-Latour, président du CIO jusqu’à sa mort en 1942. Désormais présidé par l’ancien escrimeur allemand Thomas Bach, le mouvement olympique a officiellement attribué les Jeux de 2024 à Paris le 13 septembre 2017, à l’occasion de leur 131e session organisée à Lima. Un siècle plus tard, la capitale française redeviendra hôte du plus grand événement sportif jamais organisé, avec cette fois-ci 32 disciplines au programme et environ 10 500 athlètes attendus, venant de 206 nations différentes. 

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