L’époque des épreuves artistiques aux Jeux Olympiques

L'époque des épreuves artistiques aux Jeux Olympiques

Si l’admiration de Pierre de Coubertin pour la culture anglo-saxonne fit de lui l’un des premiers promoteurs du sport dans les établissements scolaires français, sa dimension hautement humaniste le poussa à intégrer des épreuves artistiques aux Jeux Olympiques. Déjà aux Jeux de Paris de 1900 il milita pour que l’exposition universelle, ayant cette année-là posé ses bagages dans la capitale française, puisse se tenir en parallèle des différents concours olympiques. Suivant sa logique stipulant que l’athlète se devait d’être aussi bien accompli physiquement qu’intellectuellement, le baron de Coubertin poussa son désir encore plus loin lorsqu’il proposa en 1906 devant le CIO, l’intégration d’épreuves artistiques au programme olympique. Le début d’une nouvelle ère dans le monde de l’olympisme, ayant connu des hauts et des bas avant de s’essouffler moins de 50 ans après le début de son histoire. 

Un héritage des Jeux Olympiques antiques

Cette volonté du baron de Coubertin de combiner sport et art n’était pas sans rappeler les Jeux Olympiques antiques durant lesquels ces deux disciplines étaient étroitement mêlées. Si à Olympie les sportifs étaient régulièrement honorés par des poèmes ou des statues à leur effigie, au sein de la Grèce antique, les Jeux Isthmiques ou encore les Jeux Pythiques de Delphes organisaient déjà des concours de poésie, de rhétorique, de théâtre ou encore de musique. 

Désireux de faire valoir à nouveau ce lien étroit qui existait entre culture et sport lors des olympiades antiques, Pierre de Coubertin prévoyait de remettre les épreuves artistiques au goût du jour et les diviser en cinq catégories distinctes : Architecture, littérature, peinture, musique et sculpture. Les artistes en lice dans ces divers concours devaient alors directement s’inspirer du sport et de ses valeurs pour élaborer leurs œuvres. 

Approuvé par les membres du Comité International Olympique, ce « Pentathlon des muses » comme Pierre de Coubertin aimait le nommer dut initialement faire son entrée au programme olympique lors des Jeux de 1908 devant se tenir à Rome. Mais par manque de financement, la capitale italienne renonça au dernier moment à l’organisation de cette olympiade. Londres en devint la ville hôte à la hâte. À cours de temps, ces épreuves artistiques ne purent être organisées et ce projet tomba momentanément à l’eau.   

Une lente et difficile mise en place : Les épreuves artistiques face au manque d’intérêt

Quatre ans plus tard, malgré la réticence du Comité d’Organisation mais grâce à l’acharnement du baron de Coubertin, les épreuves artistiques qu’il louait tant firent officiellement leur entrée au programme olympique lors des Jeux de Stockholm de 1912. Le succès ne fut cependant guère au rendez-vous. Seul 35 artistes furent engagés. Il en fut de même lors des Jeux d’Anvers de 1920, avant que les olympiades de Paris de 1924 démocratisèrent ces concours artistiques. Cette année-là, pas moins de 193 artistes y prirent part. 

Pour pouvoir être éligibles à ces épreuves artistiques, ces derniers devaient présenter des œuvres devant impérativement suivre deux critères essentiels : Mettre en avant le sport et ses valeurs d’une part, ainsi qu’être inédites et créées spécialement pour l’événement d’autre part. Aucune œuvre réalisée pour une occasion autre que celle des Jeux ne pouvait être présentée. Le concours artistique débutait généralement quelques mois avant la cérémonie d’ouverture, bien que des exceptions furent faites à certains longs travaux tel le Stade Olympique d’Amsterdam. Sa construction ayant débuté en 1927, un peu plus d’un an avant l’ouverture des Jeux, il fut utilisé pour accueillir les épreuves d’athlétisme et reçut cette année-là la médaille d’or du concours d’architecture. 

En ce qui concerne les peintures et les sculptures, ces dernières étaient lors des Jeux Olympiques exposées dans une galerie d’art pouvant être visitée par le grand public, bien que leurs impressions n’influaient guère sur le classement final, les lauréats de chacun de ces concours artistiques étant élus par un jury essentiellement composé d’artistes. 

L’âge d’or des concours artistiques

Au fil des éditions, les organisateurs cherchèrent à davantage codifier ces concours artistiques et les rendre plus attrayants pour les artistes. L’ajout de sous-catégories au sein des divers concours fut l’une des principales réformes. Permettant de multiplier les prix et récompenses tout en rendant l’exercice davantage pointu et explicite, l’apparition de ces sous-catégories eut pour effet immédiat de décupler le nombre d’artistes engagés. Ainsi, lors des Jeux Olympiques de 1928, véritable âge d’or de ces concours artistiques, l’ajout des catégories dramatiques, épiques, et lyriques en littérature, tout comme les diverses nouvelles sous-catégories que l’on retrouva dès lors en peinture, sculpture et en architecture permit de réunir des dizaines de centaines d’artistes. 

Pas moins de 1100 peintures et sculptures furent exposées au musée Stedelijk d’Amsterdam. Un succès retentissant qui s’en suivra d’une première polémique : Les artistes furent autorisés à vendre leurs œuvres à l’issue de leurs concours olympiques. Le CIO, fermement opposé au professionnalisme des sportifs comme des artistes, condamnera cet acte qu’ils jugèrent contraire aux valeurs prônées par l’olympisme. Un premier pavé jeté dans la mare avant le déclin progressif des concours artistiques aux Jeux Olympiques.

Déclin puis fin des épreuves artistiques aux Jeux Olympiques

Connaissant un véritable succès jusqu’aux Jeux de 1932 à Los Angeles avec 384 000 visiteurs venus arpenter les travées de l’exposition, les concours artistiques commencèrent à décliner dès les Jeux de Berlin de 1936 puis lors des Jeux de Londres de 1948. Malgré l’intérêt constant des spectateurs, le nombre d’artistes engagés, lui, diminua fortement. 

En 1949, vingt ans après les Jeux d’Amsterdam et cette première affaire allant à l’encontre de l’amateurisme, un rapport présenté lors d’une réunion du CIO rapporte que la grande majorité des artistes en lice lors des précédentes olympiades touchaient un revenu grâce à leurs œuvres et productions. Ils étaient devenus professionnels. Un comble pour le CIO et le mouvement olympique général qui restait encore à cette période un fervent défenseur de la cause amatrice et interdisait aux sportifs comme aux artistes engagés aux Jeux de toucher une quelconque somme d’argent grâce à leurs activités sportives ou artistiques. 

Ainsi, les épreuves artistiques ne respectant plus ce critère fondamental, elles furent officiellement bannies du programme olympique lors de la 49ème session du CIO en 1954, mais disparurent dès les Jeux d’Helsinki de 1952. Le manque de temps ayant contraint les organisateurs à annuler ces concours. 

Voilà ce qu’était l’époque des concours artistiques aux Jeux Olympiques. En un peu plus de 35 ans d’existence, il est vrai qu’aucun artiste de renom se présentèrent à ces épreuves pour y concourir, bien que le jury fût lors de certaines éditions composé de grands noms. Pour n’en citer que deux, le chef d’orchestre Igor Stravinsky fut notamment l’un des membres du jury du concours musical à l’occasion des Jeux de Paris de 1924, tandis que du côté des épreuves littéraires, la première femme lauréate du Prix Nobel de Littérature Selma Lagerlöf remplit également cette fonction. 

Côté artiste, ces derniers étaient directement sélectionnés par leurs Comités Nationaux Olympiques respectifs et, pour l’immense majorité d’entre-eux, ne jouissaient pas d’une immense notoriété. Certains étaient même des sportifs, qui, à côté de leur compétition principale, voulaient faire valoir leur talent dans l’un des divers domaines artistiques au programme. Citons notamment l’américain Walter Winans, médaillé d’argent en tir lors des Jeux de 1912 et vainqueur de l’épreuve de sculpture cette même année avec son œuvre An American Trotter.

En réalité, la seule véritable célébrité à avoir eu l’audace de se présenter à l’une de ses épreuves artistiques n’est peut-être autre que le duo d’écrivains Georges Horod et Martin Heshbach, qui décrochèrent en 1912 la médaille d’or du concours olympique de littérature avec leur œuvre intitulé Ode au sport. Quoi ? Ils vous semblent bien méconnus ces deux-là ? Et si je vous disais que derrière ce pseudonyme se cache en réalité le père de tous ces événements. Oui, le baron Pierre de Coubertin en personne, qui décrocha la médaille d’or dans l’épreuve qu’il venait de faire naître, masqué sous ce pseudonyme pour ne pas influer sur le résultat final. 

Pour en savoir plus :

https://library.olympics.com/Default/doc/SYRACUSE/186410/les-concours-d-art-aux-jeux-olympiques-le-centre-d-etudes-olympiques?_lg=fr-FR

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