L’équipe féminine américaine acclamée par la foule, crédit : CC BY 2.0 by wwward0
L’idée que l’on se fait de la place du soccer aux États-Unis ne reflète peut-être pas la réalité. À mille lieues du football américain certes, cette discipline tend à gagner en intérêt au fil des exploits de leur équipe féminine et de la montée en prestige de la MLS, son championnat national. Alors, à trois ans d’une Coupe du Monde disputée sur le continent nord-américain, le football est-il si impopulaire que cela aux États-Unis ?
Aux États-Unis, le soccer grappille du terrain
Et si l’hégémonie sans partage des quatre ligues majeures (MLB, NBA, NFL, NHL) que compte les États-Unis prenait fin ? Bien que cette ère soit encore loin d’être révolue, la tendance actuelle montre un gain d’intérêt pour le soccer, discipline qui à l’avenir pourrait bien concurrencer les quatre mastodontes que sont le football américain, le baseball, le basketball et le hockey sur glace.
Cette dernière discipline a d’ailleurs récemment cédé sa quatrième place au classement des sports les plus populaires aux États-Unis. D’après un sondage mené par la société Gallup en 2017, 4% des Américains ont fait du hockey leur sport de prédilection contre 7% pour le soccer. Une tendance en forte hausse, multipliée par sept depuis 1990. Certes, le football américain reste quant à lui indétrônable avec ses 37% d’Américains l’ayant érigé comme leur discipline favorite, mais ce sport perd peu à peu du terrain étant donné que ce pourcentage s’élevait encore à 43% en 2006.
Créée en 1993 et disputée pour la première fois en 1996, la Major League Soccer (MLS), plus haute division du football aux États-Unis comble elle aussi son retard sur les quatre principales ligues professionnelles. Au terme de la saison 2021-2022, cette dernière affichait un bilan record de 10 millions de spectateurs présents en tribunes et 1 million pour la NWSL, son pendant féminin. Un record historique fut d’ailleurs atteint le 6 mars 2022 lorsqu’à l’occasion du premier match du Charlotte FC dans l’enceinte du Bank of America Stadium, son opposition face aux Los Angeles Galaxy généra une affluence de 74 479 spectateurs. Un chiffre qui n’avait jusque-là jamais été enregistré dans le cadre d’une rencontre de MLS, flirtant avec le record de Ligue 1 lorsque 78 056 spectateurs assistèrent en 2009 à la victoire du LOSC face à l’Olympique Lyonnais au Stade de France.
D’ailleurs, l’affluence moyenne par saison générée par la MLS est désormais similaire à celle du championnat français de football. Tout comme la Serie A du côté de l’Italie, ces trois divisions tournent depuis quelques années autour des 22 000 spectateurs par match, preuve que le championnat américain est capable de susciter autant d’intérêt que deux des plus prestigieuses ligues européennes de football.
Outre son championnat national, les principales compétitions internationales de football ont elles aussi été bien plus suivie aux États-Unis durant l’année 2022 que précédemment. À commencer par la finale de la Ligue des Champions opposant le Real Madrid et Liverpool, match ayant réuni pas moins de 2,8 millions de téléspectateurs Américains soit 25% de plus que lors de l’édition 2021. Quelques mois plus tard, la Coupe du Monde de football affichait elle aussi des audiences historiques lorsque la chaine Fox Sports enregistra 15 millions de téléspectateurs lors de l’affiche États-Unis – Angleterre. Du jamais vu pour la retransmission d’un match de football aux États-Unis, bien que ces chiffres restent très loin derrière le Super Bowl, événement sportif le plus suivi outre-Atlantique avec plus de 100 millions de téléspectateurs.
Enfin, la pratique du soccer s’est-elle aussi plus que jamais démocratisée aux États-Unis ces dernières années. Et cela commence dès l’adolescence. D’après les chiffres donnés par la National Federation of State High School Associations, le football est désormais la quatrième discipline la plus pratiquée dans les collèges et lycées (derrière l’athlétisme, le basketball et le football américain), alors qu’il pointait en onzième position au début des années 1970. Depuis la loi Title IX adoptée en 1972 et permettant un financement du sport féminin à l’université, on constate une explosion du nombre d’équipes féminines scolaires, passant de 24 000 lycéennes pratiquant le football à la fin des années 1970 contre plus de 370 000 de nos jours. Ainsi, le soccer est de nos jours le sport le plus pratiqué par les femmes et les jeunes filles aux États-Unis. Sa Fédération Nationale compte un total de plus de 4 millions de licenciés (hommes et femmes confondus), plaçant cette dernière en deuxième position des fédérations de football comptant le plus d’adhérents derrière l’Allemagne.
Comment expliquer cette montée en puissance du football ?
Suivi et pratiqué par une niche jusque dans les années 1980, la démocratisation du football aux États-Unis est étroitement liée à l’organisation de la Coupe du Monde sur son territoire en 1994.
Attribuée par la FIFA dans l’espoir d’implanter durablement son sport sur le continent Nord-Américain, les neufs stades de plus de 50 000 places utilisés dans le cadre de cette compétition permirent d’atteindre une affluence moyenne de 68 991 spectateurs. De nos jours encore, aucune autre édition n’est parvenue à atteindre une telle marque, les dernières Coupe du Monde générant une affluence d’environ 50 000 spectateurs par rencontre. Sur le petit écran, la finale Brésil – Italie avait été suivie par 14,5 millions d’Américains, constituant à cette époque un record d’audience pour un match de football diffusé aux États-Unis. Enfin, comme demandé par la FIFA, cet événement fut l’occasion de relancer son championnat national avec la création de la MLS en 1996.
Malgré des débuts timides, cette ligue de football unique en son genre grâce à son système de playoffs attire de plus en plus de grands noms du football mondial. David Beckham en était l’un des premiers lors de sa venue aux Los Angeles Galaxy, imité quelques années plus tard par Thierry Henry, Zlatan Ibrahimovic, Steven Gerrard, Frank Lampard, Wayne Rooney, David Villa ou encore Andrea Pirlo. Certes, ces joueurs n’étaient plus à l’apogée de leurs carrières respectives, mais leur présence ont permis d’attirer la lumière sur la MLS et attiser la curiosité des Américains, allumant leur poste de télévision ou se rendant directement au stade pour admirer ces grands joueurs. Preuve de la place qu’elle commence à occuper sur la scène internationale, la MLS se défait progressivement de son image de championnat pour futurs retraités grâce à l’arrivée de jeunes joueurs européens ou sud-américains, ayant fait le choix de rejoindre ses rangs au dépend d’une grosse écurie du vieux continent. L’exemple de la jeune pépite argentine Thiago Almada est sans doute le plus frappant, lui qui décida de rejoindre Atlanta United en 2022 alors que Manchester City ou le FC Barcelone lui faisaient les yeux doux.
Enfin, comment ne pas parler de la croissance du football aux États-Unis sans évoquer son équipe nationale féminine. Quadruple lauréate de la Coupe du Monde de football et quadruple championne olympique, Megan Rapinoe, ses prédécesseuses et ses coéquipières terrassent le football féminin depuis la création des premières grandes compétitions internationales durant les années 1990 et leurs exploits suscitent l’intérêt d’une partie de la population américaine. Organisée à domicile, la Coupe du Monde de 1999 généra une affluence moyenne de 37 319 spectateurs. Sa finale, opposant les joueuses américaines à la Chine se disputa devant 90 185 personnes amassées dans les gradins du Rose Bowl. Un record pour un événement sportif féminin et un formidable coup de projecteur pour une discipline amenée à gagner en popularité. Au point de concurrencer à l’avenir les sports les mieux établis outre-Atlantique ?