La course des porteurs de journaux

La course des porteurs de journaux

Il y a de cela un siècle se tenait chaque année dans les rues de Paris une course cycliste pour la moins atypique : Celle des porteurs de journaux. En parallèle de l’avènement des premières grandes courses de cyclisme, ces colporteurs de presse, usuellement surnommés les « roule-toujours », se donnaient rendez-vous dans les rues de la capitale pour organiser une grande course. La règle était simple et unique : Rallier un point A à un point B le plus rapidement possible et ainsi livrer au plus vite leurs journaux. Retour sur cet événement singulier qui permettait de mettre en avant un métier devenant de nos jours de plus en plus désuet, celui des porteurs de journaux.

Porteurs de journaux, un métier devenu compétition

À la fin du XIXème siècle, ils étaient chaque matin bon nombre à enfourcher leur vélo, un paquet de journal placé sur leur porte bagage, et à effectuer le tour de la capitale pour assurer la distribution des quotidiens fraichement imprimés par les divers organes de presse. Ces porteurs de journaux, surnommés à juste titre « Les roule-toujours », effectuaient en moyenne une cinquantaine de kilomètres par jour sur leur vélo, bravant la pluie, le vent et le froid pour assurer la diffusion de l’actualité dans tout Paris. 

Un métier peut être lassant pour certains, mais sans aucun doute passionnant pour d’autres. À tel point qu’en 1895 naît une première course entre porteurs de journaux, empruntant un tracé ralliant Versailles à Paris. Puis, un championnat annuel est organisé dès cette même année. Ayant lieu lors des premières éditions au sein du bois de Vincennes, les porteurs de journaux effectuaient plusieurs boucles autour du lac Daumesnil pour un total de 50 kilomètres. Loin des premières grandes courses de cyclisme tel pouvait l’être Paris-Roubaix ou encore Liège-Bastogne-Liège à cette époque, ces compétitions entre porteurs de journaux firent naitre quelques talents, à l’image de Paul Bourotte, vainqueur en 1897 et futur médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de 1900 en cyclisme sur piste. 

Dès ses débuts, le succès de ces courses de porteurs de journaux fut immédiat. Le public aimait s’amasser le long du parcours à observer ces « roule-toujours » se donner en spectacle dans la quête d’un titre purement honorifique. Une popularité poussant les premiers organes de presse à s’accaparer de cette course. Le journal « L’Auto », quotidien sportif à l’origine de la première édition du Tour de France en 1903, devint l’organisateur de ces championnats des porteurs de journaux, créant au passage une section pour les triporteurs, destiné aux vélos de transport de marchandises à trois roues. 

Puis des journaux comme « La Presse » ou encore « La Liberté » organisèrent diverses courses de porteurs de journaux. Une période faste pour cette pratique, débouchant en 1926 sur la création d’un grand Critérium couru dans les rues de la capitale : Le Critérium des porteurs de journaux. 

Un Critérium dans Paris, le grand rendez-vous des porteurs de journaux

Rendu possible grâce à l’association de divers journaux tel « L’Écho des sports », « L’Intransigeant » ou encore « La Pédale », ce Critérium mettait chaque année aux prises des centaines de porteurs de journaux répartis en quatre catégories : Hommes, Dames, Vétérans et Invalides. Le départ lancé Rue Réaumur dans le centre de Paris, les concurrents empruntaient un parcours long de 27 kilomètres, serpentant dans les rues de la capitale et se terminant au sommet de la Butte Montmartre avec une arrivée jugée place du Tertre. 

Pour autant, rien n’était balisé. Le maitre mot du Critérium des porteurs de journaux était la débrouillardise. Hormis des points de contrôle à franchir obligatoirement et ce dans un ordre précis, les divers colporteurs avaient libre choix dans leur parcours. Par leur connaissance parfaite des rues de la capitale, ils suivaient cependant en grande majorité le même itinéraire, celui permettant de rallier au plus vite la rue Réaumur de la Butte Montmartre en passant par les divers points intermédiaires. 

Pour y participer, la seule condition était d’exercer la profession de porteur de journaux depuis au moins six mois. Du fait qu’il s’agissait d’une course réservée à cette profession, les concurrents avaient en outre l’obligation d’utiliser leur vélo de travail ainsi que leur tenue de ville, le tout lesté d’un paquet de journal avoisinant les 15 kilos. 

Une compétition acharnée ayant fit naitre quelques vocations

Lancé en 1926, le Critérium des porteurs de journaux connut dès ses débuts un franc succès. Chaque rédaction des divers quotidiens parisiens souhaitait y prendre part, si bien qu’un challenge par équipe fut mis en place, récompensant au bout du compte le journal possédant les meilleurs coursiers. 

Mais le Critérium des porteurs de journaux était également l’occasion de voir émerger de nouveaux talents du cyclisme français, à l’instar d’Albert Flahaut, vainqueur en 1926 et participant au Tour de France cette même année. D’autres connurent pareille réussite tel René Bernard, arrivé second du Critérium des porteurs de journaux en 1927 et 1930 puis participant à quatre éditions du Tour de France entre 1931 et 1935, mais aussi André Leducq, le double vainqueur du Tour de France en 1930 et 1932 qui était un porteur de journaux au « Petit Journal » durant ses jeunes années. 

Fort de son succès dans la capitale française, le concept de course entre porteurs de journaux s’exporta à partir de la fin des années 1920 dans diverses villes européennes. Ainsi, Berlin, Bruxelles ou encore Genève se dotèrent de cette compétition atypique, mais le succès restait cependant bien moins au rendez-vous qu’en France. 

Puis, se déroulant à Paris jusqu’à la fin des années 1950, ces courses de porteurs de journaux prirent progressivement fin au début des années 1960 avant de disparaitre totalement quelques années plus tard. Intimement mêlée au monde du journalisme, cette page de l’histoire du cyclisme parisien se tournait définitivement. 

Pour en savoir plus :

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/afe85004787/course-des-porteurs-de-journaux

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