Comment les chaussures à plaque carbone influencent-elles les performances ?

Comment les chaussures à plaque carbone influencent les performances ?

Crédit : CC BY-SA 4.0 by Katie Chan

Sous le bitume du marathon de Berlin, la terre a tremblé. 2 heures, 11 minutes et 53 secondes après le départ, la stupéfaction régnait lorsque l’Éthiopienne Tigist Assefa franchissait la ligne d’arrivée avec plus de deux minutes d’avance sur le précédent record du monde féminin. À ses pieds, un modèle révolutionnaire développé par Adidas, doté d’une plaque de carbone finement travaillée, d’une mousse amortissante, et d’une semelle à la géométrie savamment pensée pour améliorer l’économie de course. Le tout pour un poids de seulement… 138 grammes. 

Cette nouvelle paire de chaussure n’a pas permis à elle seule de battre le record du monde, certes. Mais à l’heure où toutes les marques de running intègrent des lames de carbone et des mousses révolutionnaires dans leurs paires taillées pour la performance, comment et à quel point ces nouvelles technologies influent sur les chronos ?

Comment fonctionne une chaussure à plaque carbone ?

Les chaussures à plaque carbone sont des chaussures de running auxquelles on a rajouté au sein de la semelle intermédiaire une fine lame de carbone. Placée au cœur d’une mousse légère et amortissante, la rigidité du carbone permet à ces plaques d’agir comme un ressort. Plus on court vite, plus on applique une force importante dessus et plus le carbone offrira un retour d’énergie conséquent. À chaque foulée, la poussée vers l’avant n’en sera que meilleure tandis que l’épaisse mousse entourant le carbone offrira l’amorti nécessaire pour soulager les muscles fléchisseurs et tenir sur la durée. 

Pour rentrer davantage dans l’aspect technique, les plaques de carbone modifient la mécanique de course et permettent une meilleure économie grâce à leur rôle sur l’articulation métatarso-phalangienne, faisant office de liaison entre les orteils et le métatarse. Lorsque le pied est en flexion, la rigidité du carbone apporte un soutien aux muscles contrôlant cette articulation que sont le gastrocnémien et le mollet. Les deux principaux muscles composant le mollet. Le coût énergétique est moindre, les mollets ont besoin de moins d’oxygène pour une même poussée et l’économie de course est améliorée.

Mais ce n’est pas tout ! Grâce à leur position et leur forme légèrement incurvée, les plaques de carbones déplacent le centre du point de poussée vers l’avant du pied, permettant ainsi un meilleur rendement. Non-seulement, courir sur l’avant et non sur les talons permet d’augmenter le bras de levier du pied et d’exercer une poussée plus puissante, sans déperdition d’énergie. Mais de plus, leur forme incurvée offre un effet balancier améliorant encore et toujours le retour d’énergie. Un gain rendu possible grâce à l’important travail réalisé sur la mousse entourant ces lames de carbone. Plus légère tout en conservant son amorti, cette nouvelle mousse a permis d’augmenter la hauteur de la semelle intermédiaire sans qu’il n’y ait de répercussion sur le poids. Au lieu d’être plates, les plaques de carbone intégrées pouvaient être incurvées et offraient de meilleures propriétés. 

Les chaussures à plaque carbone sont-elles si efficaces que cela ?

Grâce à l’influence de la plaque de carbone sur la foulée des coureurs, Nike annonçait à la sortie de leur premier modèle, la Vaporfly 4%, un gain de 4% sur l’économie de course. Autrement dit une diminution de 4% du cout énergétique, soit la consommation d’oxygène nécessaire pour maintenir sur la durée une allure sous-maximale. 

La première erreur faite par de nombreux coureurs est de penser que ce gain de 4% se traduit d’office par une amélioration de 4% du chrono sur une course sur route. Dans la réalité, la performance est la résultante de facteurs si nombreux qu’améliorer l’économie de course ne permet pas de gagner autant. Avec des chaussures à plaque carbone au pied, le gain sur le temps de course oscillerait autour des 2% pour les personnes les plus réceptives à cette nouvelle technologie. Un avantage restant tout de même considérable, puisqu’il permettrait à un bon athlète courant le marathon en trois heures de grapiller 3 min 36 s sur cette distance.  

Mais justement. Comme souligné quelques lignes plus haut, il semblerait que tous les coureurs ne soient pas aussi réceptifs aux chaussures à plaque carbone. Étant donné qu’elles modifient la mécanique de course en déplaçant le point de poussée vers l’avant du pied, les athlètes possédant des mollets suffisamment renforcés pour conserver cette position seraient les mieux armés pour tirer un avantage du retour d’énergie conférées par les lames de carbone. À l’inverse, des athlètes possédant une allure de course relativement lente et une grosse attaque talon pourraient être gênés par le déséquilibre provoqué par ces chaussures. Un inconfort pouvant mener à la blessure. 

Et puis, parmi le flot d’études menées autour de l’avantage des plaques carbones, certaines ont révélé que ces chaussures nouvelle génération ne présentaient pas d’avantage particulier par rapport à un modèle haut de gamme qui en était dénué. Parmi, elles, celle réalisée par Salomon sur un panel de 96 coureurs de tous niveaux a révélé que seul 30% des individus testés ont amélioré leur efficacité de course (mesurée selon leur consommation d’oxygène pour une même allure) avec des chaussures à plaque carbone, quand 27% réalisaient de moins bonnes performances. Allant dans le sens d’autres études menées autour du sujet, ceux ayant obtenus de meilleurs résultats avec les lames carbones étaient les coureurs les plus rapides du panel, courant pour la grande majorité d’entre eux le 10 kilomètres en moins de 35 minutes. 

Pour résumer, intégrer du carbone dans la semelle des chaussures n’est pas une idée révolutionnaire. En 2002 déjà, des études démontraient que l’ajout d’une fine lame de carbone dans la semelle augmentait la rigidité de la flexion de la chaussure, permettant ainsi une meilleure propulsion. En revanche, associer une lame de carbone finement travaillée avec une mousse nouvelle technologie capable d’amortir les chocs permet de gagner en économie de course et grapiller de précieuses secondes sur le chrono. 

Mais les chaussures à plaque de carbone ne conviendront pas à tout le monde. Pour en tirer un réel avantage, il convient d’avoir une technique de course suffisamment bonne et posséder des mollets puissants afin de ressentir l’effet ressort qu’offre cette gamme de chaussure. Dans le cas contraire, les coureurs attaquants trop avec le talon ne pourront pas percevoir tous les bénéfices des lames de carbone. Ils continueront à perdre de l’énergie à cause de leur technique, jusqu’à risquer la blessure tant ces chaussures peuvent perturber leur foulée. 

Pour en savoir plus :

https://www.danslateteduncoureur.fr/blog/chaussures-lames-carbone-performances-running

https://athleexplique.fr/les-chaussures-a-plaque-carbone-ameliorent-t-elles-vraiment-les-performances/

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16540846/

https://lacliniqueducoureur.com/coureurs/blogue/archives/la-plaque-carbone-nouvelle-arme-pour-exploser-ses-chronos-sur-route-partie-12/

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