Le 25 novembre 1892 dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, le baron Pierre de Coubertin profitait d’une réunion de l’USFSA (Union des Sociétés Françaises de Sport Athlétique) pour émettre l’idée d’une refonte des olympiades antiques. Dix-sept mois plus tard dans ce même amphithéâtre, la messe était prononcée. Le 23 juin 1894, le rétablissement des Jeux Olympiques était officiellement acté, tout comme sa fréquence quadriennale instaurée durant l’Antiquité.
Pierre de Coubertin, en tant que chef d’orchestre de ce renouveau, hérite ainsi de statut de père fondateur des Jeux Olympiques modernes. Mais l’idée n’est pas la sienne. Quelques décennies avant lui, un richissime grec dénommé Evángelos Záppas avait déjà souhaité une refonte de ce rassemblement sportif antique. En quatre éditions, le bilan mitigé de cette manifestation ne permit guère sa pérennité.
Záppas, un philanthrope au service du renouveau grec
Evángelos Záppas avait un souhait. Offrir à la Grèce sa gloire d’antan et le rayonnement culturel dont elle jouissait durant l’Antiquité. Un retour au lumineux passé d’une nation, rattachée durant de nombreux siècles à un vaste empire que l’on nommait Ottoman.
Sa souveraineté ressuscitée durant les années 1830 au terme de la guerre d’indépendance, la Grèce avait une histoire à reconstruire et un élan patriotique à insuffler. Pour Evangélos Záppas, cela ne pouvait se faire sans le renouveau du plus grand rassemblement sportif antique : Les Jeux Olympiques.
Commerçant et philanthrope grec ayant fait fortune en Roumanie, Záppas présenta en 1856 son idée au roi de Grèce Othon 1er, promettant d’utiliser sa propre richesse pour financer l’événement. Le gouvernement s’avérait un temps réticent. La Grèce sortait tout juste d’une période de reconstruction après dix années d’une guerre d’indépendance particulièrement destructrice. Malgré un relatif renouveau industriel et économique, la peur que la nation ne soit pas à la hauteur d’une telle organisation était grande et laissait craindre un ternissement de son image. Mais l’initiative nationaliste du richissime grec les avait convaincus. Le ministre des Affaires étrangères accepta la proposition, à l’unique condition d’organiser en parallèle des épreuves sportives une manifestation culturelle mêlant exposition artistique et exhibition du savoir-faire industriel.
Des Olympiades au succès mitigé
Officialisé par un décret royal en 1858, la première édition des Jeux de Záppas se déroula l’année suivante au centre d’Athènes. L’exposition artistique et industrielle était un succès. En revanche, la compétition sportive manquait d’organisation.
Tout comme durant l’Antiquité, seuls les citoyens grecs étaient invités à participer à cet événement panhéllenique. Le programme reprenait en grande partie celui en vigueur durant les dernières olympiades antiques, comprenant notamment le diaulos (une course de 200m), le lancer du disque, du javelot, des sauts, des courses de chevaux ou encore de chars.
D’après les témoignages de l’époque, 20 000 spectateurs se massèrent sur une place athénienne pour assister à cet événement que certains qualifièrent de décevant. L’organisation laissait à désirer, bon nombre d’athlètes étaient des engagés de dernière minute manquant cruellement d’entrainement, tandis que des bagarres éclatèrent parmi les spectateurs, se bousculant pour assister depuis les premières loges aux épreuves sportives.
La fin de règne troublé du Roi Othon 1er, contraint de fuir la Grèce à cause de révoltes, puis la recherche d’un nouveau monarque retarda la seconde édition des Jeux Olympiques organisés par Záppas. Âgé de 65 ans, le philanthrope grec trouva la mort en 1865. Il légua toute sa fortune à son cousin Constantin, chargé de poursuivre l’aventure du comité zappien et pérenniser cette refonte des olympiades antiques.
Grâce à ce dernier, une seconde édition se déroula en 1870. L’événement organisé au stade panathénaïque avait rassemblé un peu plus de spectateurs que l’édition précédente et le spectacle livré par les athlètes fut d’un meilleur niveau. Mais la popularité des Jeux de Zappas restait cloitrée au sein des frontières grecques. La guerre franco-prussienne débutée la même année ne permit à cet événement de jouir d’une portée internationale espérée.
Les deux éditions suivantes menèrent à la mort de cet événement. En 1875 tout d’abord, le troisième acte fut victime d’une politique élitiste adoptée par les organisateurs, refusant l’accès aux athlètes issus des classes populaires. Treize années plus tard, l’ultime édition ne rassembla que trente-deux athlètes pour un total de douze épreuves. Le relatif succès des seconds Jeux de Zappas ne fut jamais retrouvé. L’aventure prenait fin ainsi, huit ans avant la première édition des Jeux Olympiques modernes organisés symboliquement à Athènes par le baron Pierre de Coubertin.
Pour en savoir plus :
https://www.cairn.info/revue-etudes-balkaniques-cahiers-pierre-belon-2004-1-page-33.htm