Crédit photo : AFP / Genya Savilov
Depuis le début de la guerre en Ukraine, Vitali Klitschko fait la une des journaux et ne passe guère inaperçu. Son physique et son tempérament y sont peut-être pour quelque chose. Plus de deux mètres pour 110 kilos de muscle. Cet ancien champion du monde de boxe, actuel maire de Kiev se dit depuis plusieurs jours, en compagnie de son frère cadet Wladimir, être prêt à défendre sa ville arme à la main face à l’agression russe. Un exemple de courage et de bravoure salué par tous alors que les opérations militaires menées par la Russie semble s’amplifier. Retour sur le destin de cette ancienne gloire de la boxe devenu l’un des symboles de la résistance Ukrainienne.
Une éducation irréprochable en plein coeur de l’Union Soviétique
Né en 1971 d’un père militaire et d’une mère enseignante, Vitali Klitschko est l’ainé d’une fratrie de deux enfants. Son frère cadet, Wladimir Klitschko, fut lui aussi l’un des plus grands champions que la boxe ait connus.
Aujourd’hui inséparables, ils grandirent ensemble, en Union Soviétique, entre les actuels territoires du Kazakhstan et du Kirghizistan avant de s’installer à Kiev. Leur père, en tant que général dans la force aérienne soviétique, a voué sa vie à défendre et protéger l’URSS, parfois au péril de sa vie lorsqu’en 1986 il fut envoyé à Tchernobyl pour décontaminer et nettoyer des déchets radioactifs cette zone devenue interdite au public suite à la catastrophe nucléaire.
Élevé dans cette philosophie prosoviétique et anti-occidentaliste, Vitali Klitschko apprit dès son adolescence à manier des armes et se servir de grenade en marge d’une éventuelle attaque des États-Unis. « Un pays affreux » comme son père aimait le répéter. Ce dernier lui inculquait le culte du corps et des valeurs hautement martiales, tandis que sa mère enseignante, était-là pour mener à bien son apprentissage scolaire et faire de Vitali et son frère de brillants élèves. Une éducation du corps et de l’esprit qui, couplée à une situation financière largement au-dessus de la moyenne, permit à Vitali Klitschko de suivre des études jusqu’à l’obtention d’un doctorat en science et technique des pratiques sportives, tout en menant une carrière de boxeur professionnel.
Un gabarit hors normes et des aptitudes pour les sports de combat
Sa passion pour les sports de combat remonte à 1985 lorsqu’il découvrit le kick-boxing. Après quelques années de pratique seulement, il rejoignit les rangs de son équipe nationale junior et devint double champion du monde de kick-boxing chez les amateurs, puis quadruple champion du monde chez les professionnels.
Pratiquant également le karaté et le boxe anglaise peu de temps après que l’interdiction des sports de combat soit levée en Union Soviétique, son gabarit hors-normes était un véritable atout pour Klitschko, lui offrant une facilité naturelle et des qualités qu’il pouvait mettre à profit dans chacune de ces trois disciplines.
Ainsi, ses débuts en boxe amateur furent immédiatement couronnés de succès. Triple champion d’Ukraine, vice-champion du monde en 1995 et vainqueur des Jeux mondiaux militaires cette même année, une sombre affaire de dopage l’empêcha de prendre part aux Jeux Olympiques d’Atlanta de 1996, finalement remporté par son frère dans la catégorie des super-lourds. Après 210 combats disputés pour seulement quinze défaites, Vitali Klitschko quitta cette année-là le monde amateur, se tournant vers la boxe professionnelle. Les prémices de la domination des frères Klitschko.
L’un des plus grands boxeurs de sa génération
Disputant son premier match professionnel en novembre 1996, il enchaina pas moins de vingt-cinq victoires consécutives par KO avant de décrocher en juin 1999 sa première ceinture de champion du monde des poids lourds. Un titre qu’il perdit néanmoins un an plus tard à la suite de sa toute première défaite chez les professionnels face à l’américain Chris Byrd. Blessé à l’épaule, Klitschko avait dû ce jour-là renoncer à poursuivre le combat. L’une de ses deux seules défaites en carrière, la seconde ayant également été provoquée sur décision médicale.
Malgré une première retraite de trois années entre 2005 et 2008, Vitali Klitschko poursuivit la boxe jusqu’à ses 42 ans. En décembre 2013, l’annonce d’une mise en parenthèse de sa carrière de boxeur scellait en réalité la fin de son parcours. Dix-sept ans après ses débuts, il clôturait son aventure dans le monde de la boxe. Un chapitre de sa vie orné de 45 victoires dont 41 par KO et trois titres de champion du monde dont un qu’il parvint à conserver durant cinq années, jusqu’à la fin de sa carrière. Enfin, lui et son frère Wladimir avaient réussi l’exploit de réunir à eux deux les quatre ceintures de champion du monde de boxe dans la catégorie des poids lourds. Le titre WBC pour Vitali, les ceintures WBO, WBA et IBF pour Wladimir.
De boxeur à maire de Kiev, l’ascension politique de Klitschko
Désormais boxeur retraité et avec un tel palmarès dans ses bagages, Vitali Klitchko aurait très bien pu choisir la voie empruntée par bon nombre de grands champions au terme de leur carrière, à savoir profiter paisiblement de sa nouvelle vie, au bord de la mer à siroter un cocktail à l’ombre des palmiers. Mais non, lui n’a jamais caché son intention de se lancer en politique et put pleinement se consacrer à ses nouvelles ambitions une fois les gants de boxe raccrochés.
En réalité, l’histoire intime mêlant Klitschko au monde politique avait débutée dès 2004 lorsqu’au cours d’un match de boxe à Las Vegas, le boxeur Ukrainien affichait pleinement son soutien aux révolutionnaires ukrainiens en arborant sur son short un carré orange. Une référence à ce que l’on nommait la « révolution orange » durant laquelle une partie du peuple demandait la destitution du président Viktor Ianoukovicth, arrivé au pouvoir à la suite d’une élection considérée par beaucoup comme truquée.
Puis, en 2006, au cours de sa première retraite sportive, Klitschko annonça sa candidature à la mairie de Kiev en tant que tête de liste d’une union entre deux partis réformistes et libéraux, militant pour un rapprochement avec l’Union Européenne et les puissances occidentales. Ne parvenant à se faire élire et terminant second derrière Leonid Tchernovetskyi, il recueillit tout de même 26% des suffrages et affirmait pleinement son envie de voir l’Ukraine adhérer à l’Union Européenne tout en martelant vouloir conserver de bonnes relations avec la Russie. Un équilibre difficile à tenir.
N’abandonnant pas pour autant ses ambitions, il prit en 2010 la tête du parti UDAR, pro-européen et anticorruption, et devint en 2012 député à la suite des élections législatives. Les convictions qu’il défendit l’érigèrent naturellement en une figure de l’Euromaïdan, une série de manifestations faisant suite au refus du gouvernement ukrainien de signer un accord d’association avec l’Union Européenne, préférant en échange renforcer leur lien avec la Russie. Cette révolution entrainant la chute du président pro-russe Viktor Ianoukovytch, Vitali Klitschko annonça un temps convoiter cette fonction avant de finalement se ranger derrière Petro Porochenko, élu président de l’Ukraine en juin 2014 avec le soutien des États-Unis et de l’Union Européennes. Le boxeur fraichement retraité briguait désormais un autre poste : La mairie de Kiev.
Et ses ambitions ne tardèrent pas à se concrétiser. En mai 2014, en parallèle des élections présidentielles, Vitali Klitschko est élu maire de la capitale ukrainienne en recueillant plus de 57% des voix. Réélu un an plus tard en totalisant cette fois-ci 64% des suffrages exprimés, il assume pleinement son rôle de maire de Kiev depuis bientôt huit années et mène depuis quelques jours maintenant l’un des plus grands combats de sa vie.
Les gants de boxe au placard, prêt à prendre les armes, lui et son frère Wladimir sont désormais deux des principales figures de la résistance Ukrainienne. Celle qui accepte de rester sur place et défendre courageusement son territoire malgré une armée russe bien plus fournie militairement. Leur vidéo dans laquelle ils appellent au soutien des puissances internationales face à l’agression russe a été vue plusieurs millions de fois aux quatre coins du monde. L’opinion publique acquise à leur cause, les puissances occidentales prêtes à venir en aide aux Ukrainiens, le défi auquel ils font désormais face ne s’apparente en rien aux multiples combats qu’ils disputèrent sur un ring de boxe. Le sport ne reste que du sport, et il peut tristement laisser place à la dure réalité qu’est celle de la vie.