Pour constater la prédominance du sud-ouest dans le rugby à XV en France, il suffit simplement d’observer le Top 14. Hormis les deux entités historiques parisiennes que sont le Stade Français et le Racing 92, l’ensemble des clubs composant ce prestigieux championnat se situent sous une ligne imagée allant de La Rochelle à Lyon, avec une plus forte concentration dans le quart sud-ouest. Alors, entre des clubs de renom brillant sur la scène européenne et un nombre de licenciés bien au-dessus de la moyenne nationale, pourquoi le sud-ouest de la France est-il une terre de rugby ?
Un sport britannique importé depuis la Normandie
Discipline britannique au même titre que le football, le rugby est fort logiquement arrivé en France depuis les ports normands faisant office de liaison avec la culture anglo-saxonne. Là-bas, au cours des années 1870, les Anglais venus en France pour le commerce apportèrent avec eux un sport de balle se jouant tantôt à la main, tantôt aux pieds, selon les us et coutumes de chacun. La distinction entre le football et le rugby n’était pas encore pleinement établie mais déjà, en 1872, un groupe de britanniques fondèrent au Havre un premier club destiné à la pratique de cette discipline.
Arrivant de Normandie, le rugby ne tarda guère à débarquer sur Paris, toujours par l’intermédiaire d’homme d’affaires britanniques. En 1877, un premier club vit le jour dans la capitale : Le English Taylors RFC.Fondé comme son nom l’indique par des Anglais, il inspira quelques années plus tard la création de nouvelles entités. Des clubs, généralement omnisports, qui influencés par la culture anglo-saxonne se dotèrent d’une section rugby. Ainsi naquirent le Stade Français et le Racing Club de France à la fin du XIXème siècle, se disputant en compagnie de l’Olympique le titre de champion de France de rugby à XV jusqu’en 1898, avant qu’un premier club de province ne vint bousculer cette hégémonie francilienne.
Le Stade Bordelais, pionnier dans le Sud-Ouest
En 1899, sept ans après la création du championnat de France de rugby à XV, les clubs provinciaux étaient enfin autorisés à y prendre part. Après une phase de poule réunissant d’un côté les clubs parisiens et de l’autre les entités de province, une finale était organisée entre les deux premiers de chaque groupe. Se tenant à la fin du mois d’avril, elle fut remportée cette année-là par le Stade Bordelais, s’imposant 5-3 face au Stade Français. Débuta dès lors une longue période de domination bordelaise. De 1899 à 1911, le club du sud-ouest ne manqua qu’une édition de la finale du championnat de France, remportant au passage le titre à sept reprises en l’espace de douze ans.
Fondé en 1889 par un groupe composé d’une soixantaine de membres fondateurs aussi bien français que britanniques, le Stade bordelais doit lui aussi sa création à une forte communauté anglo-saxonne implantée dans la ville girondine. Venus depuis la façade Atlantique pour le commerce du vin notamment, ces hommes d’affaires anglais importèrent comme en Normandie leurs pratiques sportives. Si golf, tennis, course à pied ou encore football furent pratiqués sans connaitre un succès croissant, la réussite du Stade Bordelais et leurs nombreuses victoires face aux clubs de la capitale suscita un véritable engouement populaire, contribuant à l’essor du rugby dans Bordeaux et sa région.
Le club devint une fierté locale, la discipline, un art de vivre. Dans toute l’Aquitaine et plus globalement dans le quart sud-ouest on se mit à jouer au rugby et de nouveaux clubs virent le jour. L’USA Perpignan en 1902, le Stade Toulousain en 1907 ou encore l’AS Béziers en 1911 pour ne citer qu’eux. Une diffusion du rugby que la Normandie, elle, n’avait pas connu, rendue ici possible grâce à deux facteurs avancés par certains spécialistes.
Le Sud-Ouest, taillé pour le rugby
Le premier est météorologique. Le climat relativement doux régnant dans le sud-ouest permettait en effet de pratiquer le rugby tout au long de l’année, y compris en hiver. Les chutes de neige ou la présence de givre se faisant rare, les terrains étaient praticables de janvier à décembre et ce, contrairement à une partie nord de la France bien plus sujette à ces intempéries.
Enfin, à cette donnée météorologique vient s’ajouter un facteur culturel : Les sports de force. Des disciplines jouissant d’une grande popularité au Pays-Basque. Ainsi, entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, les amateurs de tir à la corde, de bûcheronnage sportif, de soulever de pierre ou encore de lever de charrette ont pu retrouver au travers du rugby ce culte de la force physique qui les anime tant.