Nous le voyons au fil des compétitions, le football possède cette étincelle permettant de déchainer et transcender les foules. Une pratique devenue au fil des décennies le sport le plus pratiqué et le plus suivi au monde, numéro 1 dans pas moins de 90 pays. La FIFA revendique d’ailleurs l’existence de près de 265 millions de footballeurs directement affiliés à leurs fédérations nationales respectives. Mais alors, comment le football est-il devenu le sport le plus populaire au monde et pourquoi galvanise-t-il tant les peuples ? La résultante d’une multitude de facteurs aussi bien historiques que sociaux-culturels et émotionnels.
1. Les jeux de balle, des disciplines ayant toujours eu la cote
Peu importe sa taille, son poids ou sa conception, jouer avec une balle a de tout temps été source de plaisir pour l’Homme. Des pratiques ancestrales remontant à l’Antiquité, période durant laquelle les Romains s’adonnaient à l’Harpastum, un sport collectif dont il ne nous reste que peu de sources littéraires comme iconographiques. Ce manque d’information ne rendant guère la tâche aisée aux historiens, ils parvinrent tout de même à confirmer que cette discipline était jouée avec une balle dénommée pila, constituée de bandes de cuir enroulées.
Mais les Romains ne furent pas les premiers à s’adonner à des jeux de balle. Bien avant eux, de l’autre côté de l’Atlantique, les Aztèques et les Mayas pratiquaient le « pitz » ou encore « pok’ol pok ». Un jeu apparu durant le IIème millénaire av J.C. Muni d’une balle faite de caoutchouc, les joueurs, répartis en deux équipes pouvant compter jusqu’à douze joueurs, devaient alors s’échanger la balle avec leurs hanches ou leurs cuisses et n’avaient point le droit de se servir de leurs mains et de leurs pieds. Une pratique souvent assimilée à un véritable rituel religieux, parfois accompagné de sacrifice.
Puis, quelques siècles plus tard et à des milliers de kilomètres de l’Amérique du Sud, sous la Dynastie Han, la Chine s’adonnait au Cù Jū, pratique dont ses plus anciennes traces avérées de son existence remontent au IIIème siècle av J.C. La FIFA estime d’ailleurs qu’il s’agit du plus vieil ancêtre du football, du fait de ses nombreuses similitudes avec l’actuel sport le plus populaire au monde. Oui, Cù Jū siginifiant littéralement « frapper la balle », cet exercice destiné à l’entrainement des militaires se pratiquait avec les pieds, seul comme en équipe. L’objectif était simple : Inscrire des points en faisant passer le ballon dans des buts matérialisés par des ouvertures d’à peine 30 centimètres placés en hauteur.
Au VIIème siècle, s’inspirant directement du Cù Jū, le peuple japonais mit au point le Kemari (« balle frappée »). Une discipline sportive durant laquelle les pratiquants, au nombre de huit et disposés en cercle, devaient alors effectuer une série de jongles à l’aide de leurs pieds. Lorsqu’un joueur faisait tomber le ballon, fait de peaux de bête, par terre, il devait alors le transmettre à son voisin qui effectuait à son tour une démonstration de jongle et ainsi de suite.
Enfin, au Moyen-Âge, ce fut autour de la soule de se développer en France. Un jeu traditionnel possédant des règles relativement peu définies si ce n’est que deux équipes de tailles variables (parfois deux villages) s’affrontaient pour faire progresser une balle sur des distances parfois très grandes, jusque dans des buts matérialisés par une mare ou encore un petit hameau. Très populaire dans le Nord-Ouest de la France, l’absence de règle et le manque d’organisation eurent raison de cette discipline qui s’essouffla à la fin du Moyen-Âge au sein de l’hexagone, mais continuait à être pratiqué dans des pays voisins tel la Grande-Bretagne, une nation amoureuse des sports de balle.
2. Le football et l’Empire Britannique, une terre natale favorable à son expansion
C’est bien connu, la Grande-Bretagne est la terre de naissance du football moderne. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la soule précédemment présentée n’y est pas pour rien. Dénommé « folk football » de l’autre côté de la Manche, la pratique de la soule fut interdite dans les rues par l’intermédiaire du Highway Act de 1835. Dès lors, les pratiquants furent contraints de se rabattre sur des terrains clos et délimités pour s’adonner à leur discipline. Un premier pas vers le football moderne, discipline faisant officiellement son apparition en seconde moitié du XIXème siècle avec la fondation des premiers clubs britanniques et de la Fédération Anglaise de Football en 1863.
Sport pratiqué par les élèves des grandes écoles et universités britanniques, le football était à ses débuts, comme de nombreuses autres disciplines sportives, une activité réservée à la haute société et aux membres de la bourgeoisie. Une petite minorité de l’élite britannique. La création des premières compétitions et tout particulièrement la Coupe d’Angleterre dans les années 1870 permit au football de gagner en popularité et s’étendre jusque dans les classes populaires et le monde ouvrier britannique. Un véritable atout pour son essor, lui valant en Grande-Bretagne le surnom de « Jeu du peuple ».
Face à l’intérêt grandissant pour cette discipline et les bienfaits de la pratique d’une activité physique, conviction ancrée dans la culture britannique, l’Église participa à la création de clubs de football rattachés à leurs lieux de culte. À la fin du XIXème siècle, on estimait à 25 le pourcentage de clubs de football directement liés à une paroisse au sein de l’île britannique.
Puis ce fut autour des industriels d’emboiter le pas en finançant la création de clubs au sein même de leurs entreprises, et ainsi offrir aux classes populaires un divertissement leur permettant d’oublier le temps de quelques instants leurs dures conditions de vie et de travail. Son surnom de « Jeu du peuple » devenait légitime. Au-delà de l’essor de sa pratique, les rencontres entre les meilleures équipes de football de l’époque devinrent également un grand spectacle attirant en Grande-Bretagne une foule considérable. La finale de la Coupe d’Angleterre de 1905 opposant Aston Villa à Newcastle en est le parfait exemple. Elle qui attira un peu plus de 100 000 spectateurs amassés dans le National Sports Centre de Londres.
En parallèle de la notoriété croissante que connaissait le football en terre anglaise, sa naissance au sein d’un Empire Britannique, possédant à la fin du XIXème siècle des territoires, des comptoirs et une influence aux quatre coins du globe, permit au football de se développer progressivement à l’international. Sans pour autant imposer leur culture, les ingénieurs, militaires et autres ressortissants britanniques organisèrent des rencontres et faisaient découvrir aux peuples locaux ce sport collectif des plus ludiques.
Le football ayant réussi à conquérir l’Empire Britannique dans sa globalité, sa pratique se démultiplia également en Europe de par l’influence qu’exerçait la culture britannique sur le Vieux Continent. En France, la conquête du football se fit naturellement par le Nord et la Normandie, régions au sein desquelles les expatriés britanniques importèrent cette discipline et fondèrent les premiers clubs de l’Hexagone. À la fin du XIXème siècle et durant les premières années du XXème siècle, la pratique du football en France restait cependant relativement peu commune. Par manque d’institution suffisamment compétente pour encadrer sa pratique, il ne jouissait pas de la même popularité qu’en Grande-Bretagne et ce, jusqu’au début de la Première Guerre Mondiale, événement orchestrant un brassage culturel entre les soldats des pays Alliés.
3. La Première Guerre Mondiale, processus accélérateur du football en France et en Europe
Cela peut paraitre paradoxal, mais malgré l’arrêt des compétitions sportives, la Première Guerre Mondiale fut une véritable période d’essor et de diffusion du football en France. Pourtant, cela semblait loin d’être gagné au début du XXème siècle tant la France était en retard par rapport aux britanniques. Avant 1914, ni le championnat de France de football, ni la Coupe de France n’existait. L’Équipe de France de football, qui disputa son premier match en 1904, jouait encore dans l’anonymat le plus total, tandis que l’immense majorité des Français n’avaient jamais pratiqué cette discipline et ne connaissaient encore moins les règles.
Tout cela changea à partir de 1914, année marquant le début de la Grande Guerre. Les soldats britanniques, venus sur le sol français afin de faire face aux forces des Empires centraux, amenèrent dans leurs bagages cette culture du football qu’ils entretenaient depuis déjà plus de 50 ans.
Permettant d’entretenir le physique des troupes, le football constituait également une excellente échappatoire pour les soldats britanniques qui, le temps d’une partie, oubliaient le dur quotidien du champ de bataille et des tranchées en s’adonnant à ce sport collectif ludique. Un atout incontestable permettant d’entretenir le moral des troupes. Alors très vite, des rencontres de football furent organisées sur le front. D’abord uniquement entre soldats britanniques, puis petit à petit les poilus français rejoignirent le mouvement, visiblement lassés par leurs exercices gymniques guères divertissants qui faisaient jusque-là office d’activité physique.
Ainsi, on assista sur le front à une démultiplication des rencontres de football. Cette discipline s’imposa comme un passe-temps de choix. Afin d’entretenir le moral et le physique des troupes, des régiments entiers s’affrontaient, lors de rencontres de durée bien plus courte afin de ne pas trop émousser des corps endurants déjà les martyrs de la Grande Guerre.
Ses pratiquants n’étaient plus des élèves et étudiants issus de la haute société française comme il en fut longtemps le cas, mais bel et bien des poilus, appartenant dans la plupart des cas à une classe essentiellement rurale ce qui aboutit à une popularisation du football au sein de l’Hexagone. La preuve en est, le 15 janvier 1917, avant même la fin de la Première Guerre Mondiale, fut acté au 5 place Saint-Thomas d’Aquin à Paris la création de la Coupe de France de football. Compétition nationale dénommée à ses débuts Coupe Charles-Simon en hommage au fondateur du Comité Français Interfédéral (ancêtre de la Fédération Française de Football) tombé sur le front.
Discipline relativement peu pratiquée en France à l’aube de la Première Guerre Mondiale, le football fut sportivement parlant l’un des grands vainqueurs de ce conflit international. Sa popularité connut au sein de l’hexagone un bon sans précédent. Une croissance mémorable et une nette augmentation du nombre de ses pratiquants forçant la création de nouvelles instances du football. À l’image de l’Union Sacrée promue en France durant la Grande Guerre, le Comité Français Interfédéral et les différents autres petits comités cédèrent leur place en 1919 à la Fédération Française de Football, une instance unique créée dans le but de centraliser et mieux encadrer la gestion du football en France. En parallèle, des Ligues régionales émergèrent aux quatre coins de l’Hexagone, permettant la création de Division d’Honneur et l’émergence de nouveaux clubs de football.
4. Pourquoi l’implantation du football au-delà des frontières britanniques a-t-elle si bien fonctionné ?
Né en Grande-Bretagne, le football moderne a donc, au gré des voyages et des migrations causés par divers événements historiques, fait irruption aussi bien en Europe qu’autre quatre coins du globe, au sein d’anciens territoires appartenant jadis à l’Empire britannique notamment. Une implantation s’étant faite progressivement entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle, s’accompagnant presque unanimement d’un véritable engouement autour de la discipline. Mais d’où vient cet engouement si débordant ? Pourquoi, dans sa folle chevauchée planétaire, le football est parvenu à autant conquérir les foules ?
De multiples raisons peuvent expliquer cette ascension fulgurante du football, au point de devenir le sport le plus pratiqué et le plus suivi au monde. Un glorieux destin que n’ont pas connu d’autres disciplines tel le cricket qui pourtant, ont également été exportés à l’international par les Britanniques.
La première des explications, et celle contrastant certainement le plus avec le cricket notamment, est que le football est une discipline facile à comprendre, pouvant être pratiquée à peu près n’importe où. Pas besoin de matériel spécifique. Un ballon en plus ou moins bon état fait amplement l’affaire, tandis que les buts peuvent être simplement matérialisés par des plots, des pierres, des chaises ou encore des vêtements comme c’est bien souvent le cas dans les cours de récré. Sa pratique amateur ne nécessite pas non plus une pelouse parfaitement entretenue et un terrain idéalement délimité aux dimensions exactes. Non, le football possède l’avantage de pouvoir être joué aussi bien sur herbe, que sur de la terre ou encore du bitume. Les règlementations visant les corners et les sorties de balle peuvent être aménagées à la guise des pratiquants quant au nombre de joueurs, il n’y a encore une fois pas besoin de suivre la règle officielle des onze joueurs par équipe pour prendre du plaisir à pratiquer cette discipline.
Le football possède donc cette grande flexibilité ayant de tout temps rendu sa pratique simple à mettre en place. Ses règles, très faciles à comprendre, ont également pu être aisément enseignées aux populations locales par les divers expatriés britanniques. Tout le contraire du tennis ou encore du cricket qui, de plus, requièrent des qualités techniques tel un certain maniement de la raquette ou de la batte. Au football, du moment que l’on sait courir et frapper dans une balle, on peut objectivement jouer.
Puis, au-delà de sa pratique, la grande popularité du football s’est faite par les émotions indescriptibles que cette discipline permet de vivre. Nous l’avons bien vu durant cet Euro 2020, lors d’un match, les spectateurs et téléspectateurs peuvent en l’espace de 90 minutes passer de la joie à la tristesse, de l’euphorie au désespoir, à la frustration et au sentiment d’injustice (Quoi ? Le match France – Suisse n’est pas encore totalement digéré ?). Des sentiments décuplés lorsque l’on supporte le club de sa ville ou son équipe nationale, développant au passage un véritable sentiment d’appartenance favorable au partage et à l’ouverture sociale. Et puis, contrairement au handball ou au basket-ball, la rareté du but au football fait de cet instant un moment unique entrainant une explosion de joie d’un côté, un sentiment d’amertume de l’autre. Bref, un concentré d’émotion vécu en 90 minutes seulement. L’idéal pour nous faire vibrer !
Voilà pourquoi le football est devenu le sport le plus populaire au monde. Qu’on le pratique ou qu’on le regarde, son aspect ludique et les émotions qu’il transmet ne laisse que peu de personnes indifférentes. Né dans l’esprit des Britanniques et popularisé à l’international par ces derniers entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, le football a connu un nouvel élan de popularité au milieu des années 1950 avec l’arrivée de la télévision. Un appareil révolutionnaire ayant permis les premières retransmissions en direct du championnat de France de football ou encore de la Coupe du Monde. Les émotions provoquées par le football sortaient enfin des stades. Elles n’étaient plus seulement ressenties par quelques dizaines de milliers de spectateurs, mais devenaient enfin vécues par des millions de téléspectateurs. Qu’on l’aime ou non, plus personne ne pouvait passer à côté du football. Grâce au petit écran, tous pouvaient enfin associer des gestes et des images au nom des joueurs professionnels qui petit à petit gagnèrent en notoriété. Les jeunes comme les moins jeunes commencèrent à s’identifier aux meilleurs footballeurs de la planète. Ces derniers devenaient alors de véritables stars, courtisés par les plus grandes marques souhaitant faire d’eux leurs égéries. Une pratique devenue de nos jours monnaie courante, permettant au football de toucher des domaines autres que sa propre sphère. L’une des résultantes de l’effet boule de neige provoqué par la popularité du football.
Pour en savoir plus :
https://www.rfi.fr/fr/emission/20180614-pourquoi-le-football-est-il-devenu-le-plus-populaire-sports