Les Jeux Olympiques d’hiver de 1936, les premiers Jeux de la honte

Jeux Olympique d'hiver de 1936

Bien que cela ne soit plus le cas depuis 1992 et la fin des Jeux à se tenir la même année, il existait auparavant une règle non-officielle autorisant le pays hôte des Jeux Olympiques d’été à organiser les Jeux Olympiques d’hiver quelque mois auparavant. L’Allemagne d’Hitler, à quelques mois des très controversés Jeux de Berlin, ne refusa guère cette tradition et organisa à Garmisch-Partenkirchen en Bavière la quatrième édition des Jeux Olympique d’hiver du 6 au 16 février 1936. Une olympiade bien méconnue, à la gloire du régime nazi et ayant servi de répétition générale avant les Jeux de Berlin de 1936. 

Faire de ces Jeux les plus grandioses, l’objectif des dignitaires nazis pour préparer au mieux les olympiades estivales

Ironie du sort, à leur arrivée au pouvoir en 1933, la NSDAP ne voulait pas des Jeux en Allemagne, pourtant prévu depuis 1931. Hitler et l’ensemble des dignitaires nazis s’opposèrent catégoriquement à ces olympiades « portées par un esprit issu d’un monde que le national-socialisme a dépassé » déclara le Dr Wetzel, alors directeur de l’institut d’éducation physique de Berlin. Un « Comité de défense contre les Jeux Olympiques se mit même en place ».

Tout bascula en mars 1933 à la suite d’une entrevue entre Hitler, Theodor Lewald, président du Comité d’organisation, et Carl Diem secrétaire général de ce même comité. Parvenant à vanter les bienfaits de ces Jeux pour l’Allemagne, Lewald et Diem convinrent le chancelier de maintenir la tenue de ces Jeux, insistant notamment sur le fait qu’un tel événement est une véritable opportunité pour glorifier le régime nazi et diffuser à l’international l’image d’une Allemagne pacifiste. 

Débuta alors une intense coopération entre le Comité d’organisation et le régime nazi pour convertir ces Jeux en un outil de propagande à part entière. Un seul objectif : Faire de ces Jeux d’hiver les plus grandioses qu’ils soient et s’en servir comme répétition générale à quelques mois des olympiades estivales de Berlin.

Joseph Goebbels, Ministre de la propagande allemande du IIIème Reich, fut missionné par Hitler et participa activement à l’organisation de ces Jeux. Voulant les rendre grandioses pour sublimer l’image d’une Allemagne sous l’emprise du parti nazi, il demanda de débloquer des moyens financiers énormes afin de construire des infrastructures imposantes et modernes. À l’image du « stade de neige » et sa capacité de 100 000 spectateurs, ayant accueilli les cérémonies d’ouvertures et de clôture. Fait inhabituel dans le financement des Jeux mais révélateur de toute la supercherie qui se mettait en place, le régime nazi versa 60% des fonds pour organiser ces Jeux. Habituellement, l’investissement de l’Etat n’excède guère les 25%. Un moyen de s’assurer la tenue d’une olympiade à la gloire du régime totalitaire allemand. 

Montrer une image positive d’une Allemagne pacifiste pour glorifier la politique de la NSDAP

C’est à quelques mois des Jeux de Belin l’objectif premier du régime nazi. Prouver qu’ils sont capables d’organiser avec brio un tel événement et véhiculer l’image d’une Allemagne brillante et pacifiste pour glorifier aux yeux du monde la politique national-socialiste allemande. 

Pour se faire, l’identité visuelle de ces Jeux d’hiver fut orchestrée par Heinrich Hoffmann et Ludwig Hohlwein, respectivement photographes et graphistes, et tous deux membres du NSDAP. Le premier était d’ailleurs le photographe officiel d’Adolf Hitler. Ensemble ils vont confectionner l’affiche officielle de ces Jeux. Un skieur vêtu de rouge et de noir, deux couleurs caractéristiques du parti nazi, avec un bras levé caractéristique du salut olympique mais pouvant fortement faire penser au salut nazi effectué par les membres du NSDAP et leurs fidèles. Le ton est donné. Sans l’imposer par la force, le régime nazi est parvenu à glisser ses couleurs et ses symboles parmi l’identité visuelle de ces olympiades hivernales. 

La suite n’est que mensonge et supercherie pour redorer l’image d’une Allemagne éreintée à l’international. Preuve de ce contexte ambiguë, à la suite d’une visite de Henri de Baillet Latour, alors président du CIO et fustigeant la présence sur place de signes antisémites, Hitler et Goebbels acceptèrent sans la moindre réticence de retirer l’ensemble de ces symboles discriminatoires présents un peu partout en Bavière. Et c’est ainsi qu’à la demande du CIO, des panneaux mentionnant entre autres « Chiens et Juifs non autorisés » seront temporairement démontés le long des routes menant à Garmisch-Partenkirchen, tandis qu’on demanda aux hautes autorités de limiter les démonstrations publiques d’antisémitisme. Un contexte hostile et des affiches et messages haineux à l’égard des juifs cachés aux yeux du monde entier malgré leur omniprésence partout en Allemagne. 

Les images diffusées à l’international de ces Jeux furent également contrôlées par les organisateurs. Malgré la présence record de 403 journalistes, on interdit à ces derniers de prendre des photos sur place. Des bulletins d’information écrit par le comité d’organisation lui-même fut diffusé à la presse internationale, faussant quelque peu la réalité et contraignant les journalistes à rédiger des articles à partir de sources forcément élogieuses vis-à-vis de ces Jeux. Autre nouveauté permettant également de contrôler l’image renvoyée par ces Jeux, l’Allemagne mit pour la première fois en place une retransmission radio à l’internationale de cet événement. Un flux d’information en continu et disponible partout dans le monde, savamment orchestré par le comité d’organisation de ces olympiades. 

Une cérémonie d’ouverture tristement similaire à un rassemblement du Parti nazi

Sur place, la ferveur du régime nazi était de mise. Lors de la cérémonie d’ouverture organisée sous les flocons bavarois, les quelques 30 000 spectateurs présents au sein du stade neige se levèrent comme un seul homme lors de l’entrée en triomphe d’Adolf Hitler et de ses nombreux dignitaires du parti nazi. À croire que l’on assistait à une réunion de la NSDAP, des « Heil Hitler » étaient scandés de partout, venus d’une foule debout, bras tendu vers le haut. 

Adolf Hitler, dans son imperméable noir, donna le coup d’envoi de ces Jeux Olympiques. Puis débuta le traditionnel défilé des athlètes. 775 sportifs venus des plus grandes nations mondiales entrèrent et défilèrent dans le stade neige. Un record à cette époque pour une olympiade hivernale, une véritable fierté pour le parti nazi. Dans leur procession, certains de ces athlètes effectuaient des saluts olympiques, applaudis par l’ensemble des spectateurs qui voyaient en ce geste un salut nazi.  

La mise en scène globale de cette cérémonie d’ouverture était à l’image du régime nazi et de leur politique militariste. Prenant l’allure d’une parade militaire plutôt que d’une fête du sport prônant le pacifisme et l’unité, de nombreux coups de canon furent tirés durant cette cérémonie. Des tirs d’artillerie très bruyants faisant fuir les colombes lâchées auparavant comme symbole de paix et d’union. Symbole du caractère fortement militarisé de ces olympiades à l’image de la violence du régime nazi, certains historiens prenaient pour métaphore la neige, devenue noire durant ces Jeux. 

Montrer la force militaire de l’Allemagne, quand le sport vient jouer les troubles fêtes

D’un point de vue purement sportif, l’Allemagne souhaitait également briller. Sans surprise, l’une des disciplines leur tenait particulièrement à cœur : La patrouille militaire. Un sport de démonstration, ancêtre du biathlon, mélangeant ski de fond et tir de précision le tout en équipe, avec dans chaque collectif un officier et un sous-officier. 

Une véritable parade militaire à laquelle les Allemands furent largement donnés favoris. Malheureusement, au grand regret des représentants du régime nazi, les résultats et les performances sportives ne peuvent être contrôlés. La patrouille militaire germanique passèrent à côté de leur course et terminèrent à la cinquième place, juste devant la France, tandis que l’Italie, gouvernée à cette époque par un certain Benito Mussolini, l’emporta de justesse devant la Finlande. Pour des autorités germaniques dévouées à faire de l’Allemagne la plus grande puissance militaire, un tel résultat passait forcément mal.

La faible opposition étrangère à ces Jeux

Alors que le boycott politique fait partie intégrante de la grande histoire du mouvement olympique, à ces Jeux de Garmish-Partenkirchen de 1936, aucune nation ne refusa de s’y rendre malgré les dissidences politiques et la répression juive qui secouait l’Allemagne. 

La résistance face à ces Jeux d’Hitler restait presque nulle. Des demandes de boycott venue des États-Unis et de quelques pays européens fleurirent quelques mois avant le début de ces Jeux mais rien n’y faisait. Le CIO se montrant muet face à ces protestations, toutes les nations présentant des valeurs libérales, aux antipodes du régime nazi, outrepassèrent cette situation particulière et envoyèrent en Bavière des délégations fournies. 

Les seuls cas de boycott se résumaient en réalité à de rares individualités. Le couple de patineurs artistiques français Andrée Joly et Pierre Brunet, champion olympique en titre, refusèrent par exemple de s’y rendre, souhaitant ne pas servir dans la propagande orchestrée par Hitler. D’autres figures, parfois politique tel l’homme d’État français Pierre Mendès France, s’opposèrent à l’organisation de ces Jeux et prônèrent le boycott. Sans succès. Un nombre record d’athlètes se présentèrent à ces olympiades, tout comme de nombreux journalistes venus des quatre coins du monde. Hitler et ses dignitaires avaient réussi leur pari. De par les importants moyens financiers déployés, ces Jeux furent sur la forme une véritable réussite. Ils avaient non-seulement attiré énormément de monde, mais de plus, la grande majorité de ces individus présents sur place ressortirent enjoués de cette expérience olympique. 

L’après Jeux Olympique d’hiver, un retour à la triste normalité de l’époque

Ce succès fut éminemment favorable à la tenue des futurs Jeux de Berlin devant s’ouvrir dans quelques mois et ce,malgré le contexte politique et militaire qui refit très vite surface en Allemagne. 

Oui, le 7 mars, à peine 20 jours après la fin de ces Jeux, Adolf Hitler décida d’envahir et d’occuper la Rhénanie, tandis que la persécution envers les juifs reprenait de plus belle. Cette parenthèse olympique « enchantée » n’était bien qu’une illusion. Partout l’image d’une Allemagne expansionniste et intraitable refit surface. 

Mais le président du CIO Henri de Baillet-Latour restait formel concernant les futurs Jeux de Berlin : « Ces Jeux Olympiques peuvent se dérouler, ici à Berlin, sans être troublés par aucune difficulté politique, dans un cadre grandiose, une atmosphère cordiale de sympathie générale ». Un message fort malgré les événements politiques, militaires et antisémites se déroulant en Allemagne. 

La suite ne fut malheureusement sans surprise. Les Jeux de Berlin eurent bien lieux, dans un contexte tout aussi néfaste et inadéquat pour l’organisation d’un tel événement synonyme de paix internationale. La propagande nazie, elle, fut encore plus intense que lors de ces Jeux d’hiver faisant de Berlin 1936, une olympiade à oublier.  

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