Les débuts du sport à la télévision

Les débuts du sport à la télévision

Véritable révolution aussi bien pour la transmission d’information que pour le divertissement personnel, la télévision permit d’accroitre la visibilité de nombreux événements y compris sportifs. Un moyen de communication des plus efficaces qui ne cessa de se démocratiser tout au long du XXème siècle, contribuant ainsi à populariser le sport et mettre enfin une image sur les performances et exploits que l’on pouvait lire dans les journaux ou entendre à la radio. Retour sur les débuts du sport à la télévision, de la prouesse technologique au développement d’une offre sportive riche et complète. 

Parce qu’une image vaut mieux que mille mots

Bien avant l’arrivée du petit écran, la retransmission de l’actualité sportive ce faisait en premier lieu par écrit. En France, le premier journal consacré uniquement à l’activité sportive naquit en 1854. Simplement nommé « Le sport », il reprenait le concept du « Bell’s life », le premier journal britannique sportif. Son fondateur Eugène Chapus présenta d’ailleurs les objectifs et les grandes lignes de son hebdomadaire dans l’édito de son tout premier numéro. 

« Le sport ne compte pas un seul organe dans le presse française… Et bien ! Ce qui ne pas été fait nous allons le tenter… une sorte de Bells’Life, qui, s’occupera tour à tour du Turf et des chasses princières et particulières, de la course aux lévriers qui va se populariser chez nous, des équipages et des chevaux de selle, de la vénerie, des salles d’armes, des tirs, de la lutte, de la boxe anglaise, la boxe française… du jeu de paume, du billard, de l’équitation… de la gymnastique »

Loin donc des premiers résultats sportifs et des analyses de match. Bien avant la création des premières compétitions sportives majeures, ce journal avait pour but de faire découvrir le sport aux français. De leur présenter et leur conter les diverses activités physiques et loisirs pratiqués presque exclusivement à cette époque par l’aristocratie. 

Puis dans la seconde moitié du XIXème siècle de nouveaux journaux sportifs naquirent. En parallèle de l’arrivée de nouvelles disciplines venues le plus souvent de Grande-Bretagne et de l’apparition des premières compétitions, les quotidiens les plus lus se dotèrent tour à tour d’une rubrique consacrée au sport. L’intérêt pour le sport restait encore minime, mais il était indéniablement croissant. À l’instar du Tour de France, les organes de presse lancèrent de nouvelles épreuves sportives toutes plus innovantes les unes que les autres. Relayés à travers les journaux puis quelques années plus tard via la radio, ces compétitions firent naitre une véritable ferveur autour du sport, comme en atteste les ventes des quotidiens sportifs tel l’Auto qui explosèrent en ce début du XXème siècle. 

Le sport gagnait en intérêt, mais rares étaient à cette époque les images filmées de ces événements. Pour suivre l’actualité sportive et les grandes compétitions dans la première partie du XXème siècle, on ne pouvait uniquement compter sur la presse écrite et les premières radios. Il fallait alors se fier aux mots, aux articles, aux commentaires, parfois aux photos pour se rendre compte des exploits et prouesses physiques. 

La télé révolutionna l’approche du sport dans le sens où elle apportait une image filmée à ces mots. Les cyclistes, footballeurs et tant d’autres s’animaient. Enfin on pouvait les voir courir, tirer, pédaler sans avoir besoin de se rendre au stade ou sur le bord des routes. Mieux encore, l’arrivée des premiers événements diffusés en direct permirent de vivre les rencontres et compétitions en instantané. Tout l’avantage de la radio, avec l’image en prime.  

L’arrivée du sport à la télévision : des innovations au fil des olympiades

Les premières images filmées d’un événement sportif remonte à 1908, lors de l’arrivée du marathon olympique de Londres. Bien avant l’apparition des premières télévisions au cours des années 1920, ces premières images montraient l’arrivée titubante de l’Italien Dorando Pietri au White City Stadium, qui, pourtant en tête, s’effondra d’épuisement à quelques mètres de la ligne d’arrivée seulement. Le sport dans tous ses états. 

En 1936, les avancées technologiques en matière d’émetteurs et de récepteurs permirent à la cérémonie d’ouverture des Jeux de Berlin de 1936 de devenir le tout premier événement majeur retransmis en direct à la télévision. Outre le faible nombre de personnes équipés chez eux d’un tel appareil, 25 écrans géants furent installés dans Berlin et aux alentours, permettant à pas moins de 150 000 spectateurs de suivre en instantané cette cérémonie d’ouverture puis, la compétition sportive les jours suivants. 

Une véritable prouesse. En dépit du contexte désastreux entourant ces Jeux et du caractère éminemment propagandiste de cette retransmission télévisuelle, un tel procédé de diffusion nécessita la présence de pas moins de trois caméras réparties sur l’ensemble du site. L’une d’entre-elles était capable de filmer et retransmettre des images en direct, avec pour seule contrainte la nécessité de posséder un ensoleillement suffisant. Du jamais vu à cette époque. Au total, pas moins de 72 heures de retransmission furent proposées durant l’ensemble de cette olympiade. 

Nouvelle décennie, nouveaux progrès et nouveau mode de diffusion. Afin de garantir la retransmission des Jeux de Londres de 1948 dans l’ensemble du Royaume-Uni, un petit téléviseur dénommé « Olympic » fut mis en vente partout en Grande-Bretagne. Retransmettant les disciplines sportives majeures grâce à la présence de pas moins de six caméras disposées dans le stade et la piscine olympique, ce téléviseur permit à près de 50 000 britanniques de suivre depuis leur salon les principales épreuves sportives au programme de ces Jeux. 

Les Olympiades suivantes ne furent qu’une succession d’avancées technologiques en matière de diffusion télévisuelle. Ainsi, les Jeux d’hiver de 1956 à Cortina furent les premiers à être retransmis en direct à travers toute l’Europe via le réseau Eurovision, tandis que huit ans plus tard, les Olympiades estivales de Tokyo fut le premier grand événement sportif retransmis en mondovision. Rendu possible grâce à une télécommunication par satellite, pas moins de 800 millions de téléspectateurs répartis sur les différents continents purent assister en direct à cette grande messe du sport. Inédit. 

En France, la Grande Boucle comme élément propulseur

Au sein de l’hexagone, les premières retransmissions télévisuelles du sport à la télévision remonte à la fin des années 1940 avec le Tour de France comme élément propulseur. En 1948, pour la première fois de son histoire, des caméras s’invitaient sur le vélodrome du Parc des Princes et allaient accompagner les derniers hectomètres des coureurs lors de l’ultime étape. Le tout premier direct de l’histoire de la Grande Boucle, assurée grâce à une transmission par voie hertzienne jusqu’aux locaux de la RTF (L’organisme en charge à cette époque de la télévision en France).

Le sport sortait enfin des studios. Si jusque-là de rares émissions consacrées au sport paraissaient à la télé, cette retransmission de l’arrivée du Tour de France 1948 fut le premier événement sportif diffusé en direct à la télévision en France. L’année suivante, le lancement du tout premier journal télévisé de l’hexagone coïncidait avec le grand départ de cette course cycliste de trois semaines. À cette époque, un certain Pierre Sabbagh commentait chaque soir à 21H précise des images tournées la journée ou la veille. Sa durée n’excédait à cette époque guère les 15 minutes. Suffisant pour retransmettre entre autres un résumé de l’étape du Tour relatant les exploits de Fausto Coppi, Gino Bartali, Jacques Marinelli et tant d’autres, avec des images filmées au sein du peloton et ramenées à la hâte au siège de la RTF pour qu’elles puissent être traitées et diffusées.  

Puis d’autres disciplines sportives s’invitèrent progressivement sur le petit écran. Le football, diffusé en direct en Grande-Bretagne depuis 1937, ne fera son apparition sur les postes de télévision français qu’à partir de 1952. La finale de la Coupe de France opposant l’OGC Nice aux Girondins de Bordeaux était cette année-là le tout premier match de football retransmis en direct à la télévision en France. Quelques mois plus tard, l’Equipe de France de football allait à son tour connaitre son premier direct à l’occasion de sa rencontre face à l’Allemagne, jouée au stade de Colombes. 

Bien que le parc télévisuel français ne dépassât guère les 40 000 postes de télévision, ces retransmissions sportives furent une véritable réussite. En ville des centaines de personnes s’amassaient dans les cafés, autour d’une télé, afin de suivre la rencontre, tandis que pas moins de 1 000 postes furent vendus la veille de l’affiche France – Allemagne. Dès lors on prenait conscience de l’importance des retransmissions sportives pour l’avenir de la télévision. 

Un développement poussif : La retransmission TV face aux problématiques de l’époque

Oui mais voilà, la difficulté technique à organiser de tels directs et leurs coûts importants restreignaient la diffusion du sport en France. L’hexagone ne possédait à cette époque que deux antennes émettrices, l’une à Paris, l’autre à Lille, contraignant les hommes de la télévision à pouvoir retransmettre des compétitions sportives se déroulant uniquement dans les alentours de ces deux villes. Les caméras émettrices ne faisant leur apparition qu’en 1957, en ce début des années 1950, ces dernières devaient encore être directement reliées à la régie via un câble, limitant fortement la diffusion en direct d’événements mobiles se déroulant en dehors des stades tel le Tour de France.  

Véritables exploits pour l’époque, l’avènement des premiers directs sportifs n’étaient en 1952 guère annonciateur d’une démultiplication imminente de ce genre de pratique tant ils étaient complexes à organiser. À titre d’exemple, malgré un premier direct organisé dès 1948, la diffusion TV du Tour de France se fit les années suivantes en différé, grâce à de courts reportages résumant l’étape de la veille, dévoilés chaque soir lors du JT.

Et certains conflits avec des fédérations sportives n’allaient en rien arranger la chose. À la fin de l’année 1954, des désaccords financiers entre les instances du football français et la RTF bloquent la diffusion des rencontres de football durant l’ensemble de l’année 1955. Un compromis est trouvé en 1956. Il permet notamment la première retransmission en intégralité et en direct d’une rencontre comptant pour le championnat de France de football, en décembre de cette année à l’occasion de l’affiche Reims-Metz. Mais là encore, de nouveaux conflits financiers éclatent et fragilisent les relations entre la RTF et la Fédération Française de Football, cette dernière redoutant que l’arrivée progressive du petit écran dans les foyers entraine une désertion des stades. 

Dans le monde du cyclisme, l’aspect financier est également source d’un important conflit. Le Tour accuse en 1957 la télévision française de tirer profit de la diffusion de son événement. La RTF répliquant qu’une telle retransmission ne fait que subvenir au droit d’information des téléspectateurs, les organisateurs de la Grande Boucle souhaitèrent appliquer des règles afin de discerner le reportage quotidien simplement informatif de la retransmission du spectacle que procure cette course et dont la RTF était susceptible d’en tirer profit. Une affaire un brin complexe résolue en 1958. La RTF obtint dès cette année le droit de diffuser en direct certains passages des coureurs à des endroits stratégiques tel le sommet du col de l’Aubisque, de Peyresourde, ou encore sur les pentes du Ventoux. Une prouesse également technologique grâce à l’apparition des premières caméras émettrices. 

Vers une démultiplication du sport à la télévision

À la fin des années 1950 et malgré ces multiples conflits l’offre sportive est davantage développée au sein du paysage audiovisuel français. Les avancées technologiques nouvelles facilitent les retransmissions en direct et la démultiplication des antennes émettrices au sein de l’hexagone permettent de s’aventurer et filmer des rencontres sportives en province. 

Ainsi, une partie des 24 heures du Mans fut diffusée en direct dès 1954 tandis que des reportages sur Roland Garros firent également leur apparition sur le petit écran à cette même période. En 1956, l’Eurovision offre aux spectateurs français comme européens la retransmission en direct des Jeux Olympiques d’hiver de Cortina et les instances de football, malgré leurs relations conflictuelles, acceptent de diffuser la rencontre France-Brésil comptant pour les demi-finales de la Coupe du Monde de football 1958. On estimait ce jour-là que près de 8 millions de français virent la rencontre. Bon nombre d’entre eux s’attroupèrent devant les vitrines des vendeurs de poste de télévision qui acceptèrent ce jour-là de laisser leurs postes allumés pour diffuser la rencontre. 

Parallèlement à la prolifération de ces retransmissions en direct d’événements sportifs, se développèrent les premières émissions consacrées au sport. La RTF lança la première d’entre-elles en novembre 1956, intitulée Sports-dimanches. Une émission hebdomadaire présentée dans un premier temps par Loys Van Lee et diffusant des images des rencontres sportives du week-end commentées en voix-off par un journaliste. Le tout premier programme français consacré à l’actualité sportive qui inspirera deux décennies plus tard la création de deux mastodontes des émissions sportives françaises : Stade 2 et Téléfoot. Tous deux lancés au milieu des années 1970, ils continuent à être suivis chaque semaine par plus d’un million de téléspectateurs. 

Voilà ce qu’était le début de sport à la télévision. Une entrée fracassante avec la diffusion en direct des Jeux de Berlin de 1936 perçue à cette époque comme une véritable prouesse. Une mise en route bien plus poussive en France puisque l’on devra patienter jusqu’en 1948 pour assister au premier direct dédié à un événement sportif, en l’occurrence l’arrivée du Tour de France au vélodrome du Parc des Princes. Et même là, cette petite révolution dans le monde du sport et de la télévision resta bien longtemps au stade de simple prouesse tant la diffusion d’événements sportifs sur le petit écran peina à se démocratiser. 

Oui, malgré un bel engouement, les difficultés techniques couplées aux conflits financiers avec les instances du sport ne favorisèrent en rien la démultiplication des retransmissions télévisuelles. Au sein de l’hexagone, il fallut attendre la fin des années 1950 pour assister à un véritable élargissement de l’offre sportive avec l’arrivée progressive du rugby, du tennis et du sport automobile en complément du cyclisme et du football. 

Depuis, le sport à la télévision s’est plus que développé. Comme en témoigne les nombreuses chaines sportives créées chaque années (avec plus ou moins de réussite…) et l’inflation constante des droits TV, le sport est devenu un secteur très attractif du paysage audiovisuel français. L’offre se diversifie, de nouvelles compétitions sportives font sans cesse leur entrée dans les programmes, tandis que les matchs de l’Équipe de France continuent à afficher en temps de Coupe du Monde des audiences records. Un secteur qui se porte très bien. 

Pour en savoir plus : 

https://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1992_num_92_1_3675

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