Mise au point il y a désormais un peu plus de 200 ans, la Petite Reine était à ses débuts à mille lieues de nos vélos actuels. À vrai dire, seul le cadre et les deux roues ont toujours été présents, bien que ces derniers connurent également de sérieuses évolutions. Retour sur 200 ans d’histoire, de la toute première bicyclette aux vélos du XXI ème siècle.
Une invention allemande
L’histoire de la petite reine débuta en 1817 lorsqu’un certain Karl Drais Von Sauerbronn, baron allemand, mis au point une invention permettant d’accroitre sans trop d’effort la vitesse d’un piéton : « La Draisienne ». Le concept était relativement simple. Deux roues en fer reliées par un cadre en bois. Une roue avant pouvant pivoter grâce à un système de direction similaire à nos guidons actuels et un frein à sabot placé sur la roue arrière. Rien de plus, si ce n’est un petit coussin placé sur le cadre en bois permettant de rendre l’assise plus confortable.
Présentée pour la première fois au grand public au jardin du Luxembourg de Paris le 5 avril 1818, ce deux roues ne possédait donc pas encore de pédalier. Il fallait alors pousser avec ses pieds pour pouvoir la faire avancer, lui valant ainsi le surnom de « Laufmaschine », signifiant littéralement « machine à courir ». La bicyclette venait de naître. Pour tirer pleinement profit de cette machine à deux roues, tout restait encore à faire et à imaginer.
L’ajout des pédales
Les années passèrent et de nouvelles inventions virent le jour. Imitant toujours la draisienne de Karl von Drais, la Dandy Horse fut dévoilée en 1818 et apportait un confort supplémentaire grâce à une selle réglable et des accoudoirs.
Mais la première grosse avancée majeure de ce début du XIXème siècle nous venait tout droit d’Ecosse. En 1839, Kirkpatrick Macmillan y ajoutait pour la première fois un pédalier permettant de faire avancer la draisienne sans poser le pied à terre. Le mouvement n’était pas encore rotatif. Il s’agissait d’un système de va et vient permettant de faire tourner la roue arrière, grâce à des bielles servant de liaison entre cette roue et le pédalier.
La première bicyclette munie d’un pédalier à mouvement rotatif, elle, vit le jour en 1861. Son inventeur, un artisan serrurier français dénommé Pierre Michaux, qui nomma son invention « La Michaudine ». Cette fois-ci plus besoin de bielles, le pédalier rotatif était directement fixé à la roue avant, permettant de la faire tourner simplement avec la force des jambes, sans système de transmission.
L’un de ses inconvénients restait son inconfort. Une bande de roulement en fer entourait les roues en bois de cette bicyclette. Permettant notamment de préserver le bois des impacts, cette bande métallique secouait fortement le conducteur sur des routes dégradées. Un léger désagrément valant à cette machine le surnom de « Boneshaker », (littéralement « secoueuse d’os »), jusqu’à l’arrivée du caoutchouc enveloppant les roues en 1869.
Qu’importe. Malgré cet inconfort, l’invention connut un franc succès. La draisienne et cette « Michaudine » récemment sortie devint un moyen de transport fortement populaire. Tout ceux possédant les ressources financières nécessaires vont vouloir en posséder une. Un engouement multipliant en contrepartie les accidents entre piétons et conducteurs de draisienne, à tel point que durant la première moitié du XIXème siècle, certaines villes vont interdire son utilisation.
Du côté de son fabriquant, on ne pouvait répondre à la totalité de la demande. Pierre Michaux fonda alors en 1967 la Compagnie parisienne des Vélocipèdes, un atelier employant à son apogée plus de 300 ouvriers et permettant de produire 100 à 200 vélocipèdes à pédale par jour.
La recherche de vitesse : L’invention du Grand Bi, au dépend de la sécurité
Dès le début des années 1870, la recherche de vitesse poussa un certain James Starley à mettre au point une bicyclette pour le moins originale : Le Grand Bi. Également nommé Ordinary Bicycle, ce deux roues de conception britannique était bien plus léger que ses prédécesseurs. Mais ce qui le distinguait tout particulièrement de la draisienne et de la Michaudine était son déséquilibre voulu avec une grosse roue à l’avant, la seule solution trouvée à cette époque pour gagner en vitesse, accompagné d’une toute petite roue à l’arrière.
Le gain de vitesse n’était guère négligeable. Son manque de sécurité non plus. Bien qu’il connût un franc succès, le Grand Bi restait une machine assez dangereuse de par sa grande roue avant et la position du cycliste, situé sur une selle placée en haut de cette roue pouvant atteindre les 3 mètres pour les modèles les plus hauts perchés. Très peu stable, il avait la fâcheuse tendance à basculer vers l’avant et de nombreux cyclistes se retrouvaient projetés à terre après un magnifique soleil.
Pour pallier ce léger désagrément, John Kemp Starley, le neveu de l’inventeur du Grand Bi, mis au point en 1884 la Rover Safety Bicycle, ou bicyclette de sécurité. Un engin qui, comme son nom l’indique, était beaucoup plus sûre que son prédécesseur grâce à une roue avant bien plus petite et une selle placée vers l’arrière du vélo. Ressemblant fortement à nos vélos modernes, les soleils étaient beaucoup moins fréquents sur cette Rover Safety Bicycle.
L’autre point novateur de cette Rover Safety Bicycle était sa transmission par chaine, directement inspirée de la bicyclette de Lawson développée en 1880. Désormais, comme sur nos vélos actuels, un système de chaine et d’engrenages transférait la puissance du pédalier vers la roue arrière. Les pédales n’avaient alors plus besoin d’être fixées directement sur la roue avant, expliquant cette possibilité pour John Starley de placer la selle vers l’arrière de la bicyclette.
À cette époque, l’engouement autour de la bicyclette continuait sa marche en avant et ce, aussi bien chez les hommes qu’au sein de la gente féminine. Afin de gagner en mobilité, de nombreuses femmes vont vouloir apprendre à faire du deux roues. Un nouveau mode de transport à l’origine d’une véritable révolution vestimentaire. C’est la naissance des premiers vêtements permettant de gagner en praticité et en mobilité au dépend de l’élégance et ce, aussi bien pour les hommes que pour les femmes qui en pratiquant la bicyclette, pouvaient se débarrasser de leurs longues jupes et corsets assez inconfortables.
La quête du confort
La fin du XIXème siècle vit la bicyclette gagner en praticité et en confort de pilotage. Une amélioration que nous devons en grande partie à un vétérinaire écossais répondant au nom de John Boyd Dunlop. Ce dernier, en écoutant son fils se plaindre du manque de confort de son tricycle, décida de mettre au point des bandes de caoutchouc fixées à la roue et pouvant être remplies d’air. C’est la naissance du premier pneu à air.
Malheureusement, malgré un gain de vitesse, un confort accru et une diminution du bruit, cette invention souffrait d’un défaut : Sa réparation en cas de crevaison. Presque impossible. Un point que perfectionnèrent en 1891 les frères Michelin avec la création du premier pneu démontable muni d’une chambre à air. Une révolution dans le monde de la bicyclette. La sensation de rouler sur un coussin d’air mêlée à la praticité de changer aisément une chambre à air crevée, tout y était.
Quelques années plus tard, en 1898, l’Allemand Ernst Sachs accroit une nouvelle fois le confort du cycliste avec la commercialisation de bicyclettes munies d’une invention tout aussi révolutionnaire : La roue libre. Développée par William Van Anden en 1869 et perfectionnée par Harmon D. Moise en 1895, cette innovation permettait grâce à un système de cliquet présent à l’intérieur d’un pignon denté, d’associer ou de dissocier le mouvement du pédalier à celui de la roue arrière.
Désormais, les cyclistes n’avaient plus besoin de pédaler en permanence. Ils pouvaient couper leur effort, en descente notamment, sans que la roue ne s’arrête brusquement de tourner. Une petite révolution ayant permis de gagner en confort et en sécurité.
Le Tour de France popularise la bicyclette
Plus qu’un simple moyen de transport, la bicyclette, de par ses nombreuses avancées la rendant plus performante, devint un engin destiné à la pratique sportive et fut à l’origine d’une discipline nouvelle : Le cyclisme. Un atout pour la massification de la petite reine.
Bien que les premières courses cyclistes soient apparues quelques années seulement après l’apparition de la « Michaudine » de Pierre Michaux, la création du Tour de France en 1903 par un certain Henri Desgrange est l’événement à l’origine de la démocratisation de la bicyclette en tant que pratique sportive.
Lancé et soutenu par le quotidien sportif « L’Auto » dont Henri Desgrange en était le directeur, cette course était à cette époque « La plus grande épreuve cycliste jamais organisée », comme titrait en une ce journal, le 19 janvier 1903 lors de l’annonce de la création de cette course.
Avec comme objectif de réaliser le tour de la France à vélo, le défi ne pouvait guère être plus symbolique et alléchant. Malgré un public relativement peu présent sur le bord des routes, l’arrivée à Paris de cette première édition du Tour en 1903 est une véritable réussite. Plusieurs dizaines de milliers de spectateurs se pressaient à Ville d’Avray, non-loin de la capitale, pour accueillir les héros de cette folle aventure et le premier vainqueur de cette course devenue mythique : Maurice Garin.
Au lendemain de cette Grande Boucle originelle, les ventes du journal « L’Auto » doublèrent. Toute la presse sportive et plus généralement le monde du sport est admiratif devant une telle épreuve. « L’Auto » devenant rapidement le quotidien sportif le plus lu de France, Desgrange annonça vouloir organiser à nouveau l’épreuve dès l’année suivante. Le début d’un monument du sport français, devenant rapidement la plus grande course de cyclisme au monde, démocratisant immédiatement l’utilisation de la bicyclette.
Une ultime invention : Le dérailleur
Les vélos utilisés lors de ce premier Tour de France étaient dans leur fonctionnement similaires à nos vélos actuels à un détail près. L’absence de dérailleurs. Cet instrument permettant d’accroitre ou de diminuer la résistance en changeant de braquet ne fit son apparition sur les bicyclettes que vers le milieu du XXème siècle. Auparavant, les vélos les plus modernes étaient munis uniquement de deux pignons, fixés de part et d’autre de la roue arrière, forçant les cyclistes à retourner cette dernière s’ils voulaient changer de vitesse.
Les premiers prototypes des dérailleurs furent pourtant présentés dès la fin des années 1860. Mais pesant cependant plus de 2 kilos en moyenne, il fallut attendre le début du XXème siècle et un certain Vincent Piereschi pour voir apparaitre un dérailleur plus léger et plus facilement utilisable sur un vélo, ne pesant guère plus de 400g.
En 1908, le Français Paul de Vivie contribua grandement à améliorer ce système et la même année, les premiers modèles de dérailleurs furent commercialisés. Il a permis d’adapter l’effort en fonction de la route et du relief et le principe ne changea guère depuis. Un changement de plateau ou de pignon permet d’accroitre ou de diminuer la résistance et ainsi franchir plus aisément les côtes et autres obstacles naturels.
Créé au début du XXème siècle, le dérailleur jouissait à ses débuts d’une mauvaise réputation, certains le considérant comme allant à l’encontre des valeurs du cyclisme sportif en facilitant l’effort lors des ascensions les plus raides. Sur la Grande Boucle, ce n’est qu’à partir de 1937 que les cyclistes furent autorisés à en posséder un. Devenu incontournable aujourd’hui, le dérailleur ne connut son essor qu’au milieu du XXème siècle, avec la commercialisation des premiers vélos équipés de cet engin et vendu à des prix abordables.
Voilà, en 200 ans d’histoire, la Petite Reine en connut des innovations pour en venir à nos vélos actuels. Si à partir du début du XXème siècle ces bicyclettes ressemblaient déjà très fortement à celles produites un siècle plus tard, de nouvelles innovations mineures virent tout de même le jour et l’utilisation de nouveaux matériaux ont permis de rendre cette fabuleuse invention plus légère, plus maniable, plus performante et même plus tout terrain. Les années 1970 virent notamment l’apparition des premiers VTT, munis de suspensions et d’équipements renforcés pour partir à la conquête des terrains sableux, boueux, terreux mais aussi rocailleux. Le début d’une plus grande liberté.