En un peu plus de 100 ans d’existence, ils sont plus de 270 à avoir porté cette toison d’or tant convoitée. Un graal réservé au gratin du cyclisme mondial, que tout coureur rêve un jour d’endosser. Le maillot jaune. Un mythe doté d’une riche histoire ponctuée de haut et de bas pour ses divers porteurs. Mais son invention, si elle ne fait à priori aucun débat, pourrait en réalité cacher quelques mystères tant le manque de source et la relative discrétion autour des faits étaient de mise au début du XXème siècle. Retour sur la création du maillot jaune, la naissance de la plus célèbre des tuniques entre mythe et réalité.
Les premiers Tour de France, courus sans ce rayon de soleil jaune
Créé en 1903 par le journaliste et directeur du journal l’Auto Henri Desgrange, le Tour de France de l’avant-guerre se courait sans sa célèbre tunique jaune. Ni aucun autre quelconque maillot distinctif d’ailleurs. Bien plus discret, seul un brassard vert permettait à cette époque de distinguer le leader du classement général des autres coureurs.
Interrompu de 1914 à 1918 à cause de la Grande Guerre qui ébranlait la France et la plupart des puissances européennes, la Grande Boucle revint en 1919 avec au cours de cet édition, l’avènement de ce célèbre maillot jaune. À moins que…
Un maillot jaune présent sur le Tour dès l’avant-guerre ?
Oui, s’il est attesté par les organisateurs du Tour de France eux-mêmes que le maillot jaune est né un beau jour de juillet 1919, entre deux étapes de la Grande Boucle, un cycliste belge dénommé Philippe Thys affirma jusqu’à la fin de ces jours être le tout premier porteur de cette tunique, lors de l’édition 1913 du Tour de France. Alors en tête du classement général, Henri Desgrange lui demanda, selon les dires du coureur belge, de porter une tunique couleur or afin d’être davantage reconnaissable. Refusant un temps cette proposition, Philippe Thys accepta finalement la requête, convaincu par les propos de son directeur sportif Alphonse Baugé qu’un tel maillot distinctif constituait-là un formidable moyen de mettre en avant la marque sponsorisant son équipe : Peugeot.
Jurant ainsi être le tout premier porteur du maillot jaune de l’histoire de la Grande Boucle, cette hypothèse, malgré toute l’honnêteté qui caractérisait ce coureur, ne peut de nos jours guère être vérifiée. Mis à part son propre récit, aucune source ne mentionne l’existence d’une tunique jaune avant le début de la Grande Guerre. Alors, vérité ou mensonge ? Le mystère demeure et ne sera probablement jamais élucidé.
Le Tour de France 1919 et la naissance officielle du maillot jaune
Ainsi, s’il aurait pu potentiellement voir le jour lors de l’édition 1913, le maillot jaune a en tout cas bel et bien été présent lors de la cérémonie protocolaire clôturant le Tour de France 1919.
Oui, cette célèbre tunique dorée que tout cycliste rêve un jour de porter fit officiellement son apparition le 19 juillet 1919 au soir, quelques heures avant le départ de la 11ème étape reliant Grenoble à Genève. Un instant des plus solennels qui se déroula en catimini dans un café du centre-ville de Grenoble. Ce soir-là, Henri Desgrange, alors directeur de la Grande Boucle, alla au bout de ses propres idées et remit au leader du classement général le premier maillot jaune avéré de l’histoire du Tour. L’élu du jour ? Eugène Christophe dit « Le Vieux Gaulois », surnom qu’il devait à sa longue moustache. Alors âgé de 34 ans, il devenait ainsi le tout premier homme en jaune sur la Grande Boucle. Un cycliste tout heureux au destin bien malheureux, lui qui la veille de l’arrivée à Paris cassa la fourche de son vélo en pleine étape, terminant avec près de 24 heures de retard. Dépossédé de sa tunique dorée alors que la victoire finale lui tendait les bras, le Belge Firmin Lambot fut finalement le premier cycliste à défiler en jaune dans les rues de la capitale lors de l’ultime étape de cette Grande Boucle 1919.
Pourquoi avoir fait le choix de la couleur jaune ?
La couleur jaune portée par le leader du Tour de France n’a pas été choisie par hasard. Au contraire même. Élément distinctif imaginé par Henri Desgrange, le jaune de cette tunique correspondait tout d’abord à la couleur du papier sur lequel son quotidien L’Auto était imprimé. Un petit coup de pub gratuit et efficace pour le directeur du Tour de France.
Mais un maillot de couleur jaune possédait également l’avantage de rendre le leader du classement général particulièrement visible, et ce même de nuit. Il se démarquait ainsi des autres coureurs, d’autant plus qu’à cette époque aucune équipe était vêtue de jaune.
La création de cette toison d’or tant convoitée était donc une réponse de Desgrange aux nombreuses plaintes des journalistes et des spectateurs, reprochant aux organisateurs de la Grande Boucle de ne distinguer le leader de la course qu’avec un simple brassard vert relativement discret. Désormais auréolé d’un maillot jaune particulièrement lumineux et éclatant, il devenait ainsi facile de reconnaitre et d’encourager depuis le bord de la route le leader du Tour. Eugène Christophe, premier homme en jaune, étant en plus en 1919 l’un des cyclistes les plus appréciés et acclamés par le public français.
Malgré les doutes pouvant subsister autour de sa création, le maillot jaune a depuis son avènement connu une longue et riche histoire, mais n’en oublie pas pour autant son passé. La preuve en est, les lettres H.D sont discrètement brodées depuis 1948 en bas à gauche de cette tunique dorée. Leurs significations ? Elles correspondent aux initiales du fondateur et et de l’emblématique directeur du Tour de France Henri Desgrange, l’homme qui fut également à l’initiative de la création du maillot jaune.
