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Voilà trois-quarts de siècle que la Formule 1 est née. Il y a 75 ans, le 13 mai 1950, 21 pilotes prenaient place sur la grille de Silverstone, pour disputer la manche inaugurale du premier championnat du monde de Formule 1.
La genèse de la Formule 1
Réunis dans leurs locaux installés au 8 place de la Concorde, dans le 8e arrondissement de Paris, les membres de la FIA annonçaient, à la fin de l’année 1949, la création d’un premier championnat réunissant les Grand Prix européens les plus prestigieux, accompagnés des 500 Miles d’Indianapolis pour conférer une dimension internationale à cette nouvelle épreuve. Pour uniformiser la compétition, il était annoncé que toutes les voitures engagées dans ce nouveau championnat devaient respecter la règlementation des « Formule de Course Internationale A », codifiée en 1946 par la Commission Sportive Internationale (CSI). Rapidement abrégé en « Formule A » puis « Formule 1 », ce règlement technique était déjà appliqué depuis 1948 dans de nombreux Grand Prix organisés en Europe. Les voitures engagées étaient les plus performantes de l’époque. La cylindrée des moteurs était limitée à 1 500 cm3 avec compresseur ou 4 500 cm3en version atmosphérique. Aucun poids minimal n’était encore requis.
Sur la base de cette réglementation, le premier championnat du monde de Formule 1 de l’histoire voyait le jour et réunissait sept courses. Les six Grand Prix les plus prestigieux d’Europe, disputés en Belgique, en France, en Grande-Bretagne, en Italie, à Monaco et en Suisse, ainsi que les 500 Miles d’Indianapolis qui se disputait sous un règlement technique différent, et dont sa présence servait essentiellement à justifier la dimension internationale de cette compétition.
Silverstone accueille le premier Grand Prix de Formule 1
La première des sept manches se déroula en Grande-Bretagne, berceau du sport automobile, sur le circuit de Silverstone situé au nord-ouest de Londres. Un tracé construit en 1948 sur la piste d’une ancienne base de la Royal Air Force qui était encore active durant la Seconde Guerre mondiale. Le jeudi 11 mai, les cinq constructeurs engagés étaient conviés à la première séance d’essais libres. Alfa Romeo, Maserati, ERA, Alta et Talbot-Lago avaient fait le déplacement pour participer à ce premier Grand Prix de Formule 1 de l’histoire. Enzo Ferrari, lui, renonça à engager ses véhicules estampillés du cheval cabré, privilégiant une course organisée à Mons, en Belgique, où la prime de départ était plus intéressante. Cette manche inaugurale sera l’un des très rares Grand Prix que la Scuderia Ferrari manquera.
Dès la première séance d’essai libre, Alfa Romeo tuait tout suspense. Les Alfetta 158 que l’écurie italienne développait depuis la fin des années 1930 étaient, de loin, les plus rapides. Leur trio de pilote d’usine baptisé « les trois F » (Fangio, Fagioli et Farina) terminaient aux trois premières places des deux séances d’essai et réitèrent le coup en qualification. L’Italien Giuseppe Farina signait la première pole position de l’histoiredevant son compatriote Luigi Fagioli et l’Argentin Juan Manuel Fangio. Remplaçant de Consalvo Sanesiqui s’était blessé lors d’une course disputée quelques jours plus tôt, le Britannique Reg Parnell plaçait la quatrième Alfa Romeo au quatrième rang. Derrière cette ligne 100 % rouge, le Thaïlandais Prince Bira était le plus fort des autres. Au volant d’une Maserati, il était le seul capable de s’approcher à quelques dixièmes du temps réalisé par Reg Parnell. Prince Bira prenait la cinquième place sur la grille.
Giuseppe Farina et Alfa Romeo, à jamais les premiers
Pour respecter le repos dominical profondément ancré dans la culture britannique, ce premier Grand Prix de Formule 1 de l’histoire se tint un samedi. Si Enzo Ferrari n’avait pas pris conscience de la portée historique de cet événement, quelque 150 000 spectateurs l’avaient fait à sa place et prenaient place autour du circuit. La famille royale était également de la partie. Accompagné de la reine Elisabeth et de la princesse Margaret, le roi George VI serra la main des vingt-et-un pilotes avant de s’installer en tribune pour assister au départ.
Hormis quelques exceptions, l’heure de départ est restée la même en 75 années d’existence. À 15 h 00, les vingt-et-un pionniers de la Formule 1 étaient lâchés pour 70 tours de course. Les quatre Alfa Romeo de tête s’envolaient dès les premiers instants et ne se lâchaient pas d’une semelle. Parti en pole, Giuseppe Farinamenait le bal devant Juan Manuel Fangio et Luigi Fagioli lorsqu’à huit tours de l’arrivée, une tache d’huile sur la piste envoyait le pilote argentin dans une botte de paille. Quatrième, Reg Parnell remontait au troisième rang et permettait à l’écurie italienne de signer un triplé. Au volant de son Alfa Romeo estampillée du n°2, Giuseppe Farina franchissait la ligne d’arrivée le premier, après 2 heures et 13 minutes de course. Soit 70 tours bouclés à la vitesse moyenne de 146 km/h. Le vainqueur du jour réalisait également le meilleur tour en course et signait la premier hat trick (pole position, victoire et meilleur tour en course) de l’histoire de la Formule 1.
Derrière, le manque de fiabilité des Maserati les privait de la quatrième place. Quatre de leurs six voitures engagées étaient victimes d’un problème mécanique ou d’une panne d’essence, dont la Maserati n°21 de Prince Bira. Son abandon au 49e tour permettait aux deux Talbot-Lagot pilotées par les Français Yves Giraud-Cabantous et Louis Rosier de terminer 4e et 5e du Grand Prix.
La manche inaugurale du premier championnat du monde de Formule 1 n’était que le prélude de la domination des Alfa Romeo. Malgré l’engagement des Ferrari dès le Grand Prix suivant, à Monaco, l’écurie milanaise remporta les six Grand Prix disputés en Europe. Trois victoires pour Juan Manuel Fangioet autant pour Giuseppe Farina qui devenait, à l’aube de ses 44 ans, le premier pilote sacré champion du monde de Formule 1.