Un peu d’histoire autour des paris sportifs

Un peu d'histoire autour des paris sportifs

En France, depuis l’ouverture du marché à la concurrence en 2010, le chiffre d’affaires généré par les paris sportifs n’a cessé de croître au fil des années. Sur la période 2020-2021, il a d’ailleurs franchi la barre symbolique du milliard d’euros. Avec environ 4,5 millions de comptes joueurs actifs au sein de l’Hexagone, le pari sportif, s’effectuant désormais en grande majorité en ligne, est une pratique virale et populaire. Mais l’enthousiasme généré par ce que l’on peut désormais qualifier d’industrie est en réalité loin d’être récente. Bien au contraire même. Retour sur l’histoire du pari sportif, une pratique vieille de plusieurs millénaires.

L’Antiquité et les premiers paris sportifs

La naissance du pari sportif est impossible à dater tant cette pratique semble remonter à la nuit des temps. Si sa présence durant l’Antiquité est attestée, quelques historiens s’accordent à dire que l’on retrouvait certaines formes de pari dès l’ère préhistorique. Les mises étaient autres que monétaires certes, mais il se pourrait qu’à cette période certains hommes avaient d’ores et déjà pris l’habitude de parier lors de combats entre deux individus. 

Que cette hypothèse soit avérée ou non, il reste en tout cas certain que durant l’Antiquité, les paris étaient de mise. Créateur des premiers grands événements sportifs tel les Jeux Olympiques antiques, les Grecs profitaient de ces rassemblements pour s’adonner à quelques paris. Les courses hippiques étaient dès lors très prisées. Principalement pour la part de hasard et d’incertitude qui les caractérisaient. Mais d’autres disciplines moins sujettes à ces facteurs firent également l’objet de nombreux paris, à l’image de la lutte et de toutes autres épreuves de combat. Les sommes récoltées par ces jeux d’argent servaient alors à financer ces grands événements sportifs ainsi que les athlètes présents. 

À Rome, les paris sportifs furent également monnaie courante. Que ce soit à l’occasion de courses de chars, de combats de gladiateurs ou encore d’affrontements organisés entre animaux, l’empire Romain perpétua la tradition grecque et fit de ces spectacles et démonstrations sportives une occasion pour s’adonner à des jeux d’argent. Mieux que ça même. L’ampleur des gains générés par les mises des spectateurs permit de mieux structurer l’univers des paris sportifs. Nous étions-là deux mille ans avant la création du PMU, l’ensemble des compétitions sportives contemporaines n’avaient pas encore vu le jour et déjà, le monde du pari jouissait d’un écosystème florissant. 

Durant le Moyen-Âge, cultiver l’art du pari malgré l’interdit

En l’an 476, la chute de l’Empire romain d’Occident venant clore le chapitre antique marqua un coup d’arrêt brutal pour les paris sportifs. Dans une phase de déclin depuis près de deux siècles, l’abdication de l’empereur Romulus Augustus cette année-là signa l’effondrement de ce vaste empire, emportant dans sa chute ses us et coutumes dont les paris en faisaient partie. 

Parallèlement à cela, l’expansion du christianisme à travers l’Europe et la montée en puissance de l’Église et des chefs religieux n’annoncèrent rien de bon. Eux qui voyaient en ces jeux d’argent une pratique immorale et dangereuse cherchèrent tout au long du Moyen-Âge à bannir les paris de la société. Au fil des siècles, des décrets furent tour à tour publiés, visant à les interdire et sanctionner tout ceux usant encore de cette pratique. De Saint-Louis au XIIIème siècle à Louis XIV sous l’Ancien Régime en passant Charles V, Charles IX ou encore Henri III, tous édictèrent sous leur règne des ordonnances stipulant l’interdiction des jeux d’argent et de hasard.

Mais malgré l’interdit, les paris sportifs, devenus plus discrets certes, allaient bel et bien traverser cette difficile époque. Rapidement, le vide laissé par la fin de l’Antiquité fut comblé par l’essor de nouvelles disciplines propres au Moyen-Âge et à l’Ancien Régime. Et tout aussi rapidement, des paris sportifs se développèrent autour. En France comme en Angleterre, il devenait dès lors possible de miser de l’argent sur un archer lors d’un concours de tir à l’arc, sur un chevalier lors de combats de joutes ou au cours d’un tournoi d’épée. Les combats de coqs n’étaient pas en reste non plus et attiraient la curiosité de bon nombre de parieurs. 

Pratiqué essentiellement par des membres de la haute société, les paris et les jeux d’argent au sens large touchèrent même la noblesse royale. Y compris durant l’Ancien Régime, ceux qui promulguèrent aux côtés de l’Église les textes stipulant leur interdiction partout dans le royaume, se retrouvèrent certains soirs dans des salles de jeux clandestines dissimulées dans les appartements privés de la noblesse. Un moyen de mieux domestiquer la cour comme le souhaitait Louis XIV. 

Une relance des paris sportifs au XIXème siècle

Prohibé mais pratiqué, les paris sportifs connurent un véritable renouveau à partir du XIXème siècle, bien aidé par la chute de la monarchie et la révolution industrielle.

L’invention de la machine à vapeur faisant quelque peu perdre aux chevaux leur aspect utilitaire, les hippodromes et leurs courses hippiques se démultiplièrent en France comme en Angleterre au cours des XVIIIème et XIXème siècles. De nouvelles infrastructures offrant un cadre et un contexte favorable à une recrudescence des paris autour de cette pratique.

Les mœurs de la société ayant également connu une petite révolution, les hommes et femmes dédallant dans les allées et tribunes de ces hippodromes flambant neufs n’étaient plus uniquement rattachés à la haute société. Au cours du XIXème siècle, on assista à une véritable popularisation des paris sportifs. Les gradins des hippodromes devenaient combles, tous les milieux sociaux y étaient représentés. Que l’on soit noble, aristocrate, bourgeois ou issu de la classe moyenne, on aimait assister à ces courses de chevaux avec un but commun : Parier et espérer en tirer profit. 

Sur place, deux modes de pari prédominaient. Le premier était le pari à « la poule ». Le joueur, une fois sa mise déposée, se voyait attribuer au hasard un numéro correspondant à un cheval engagé. Il n’avait alors aucun moyen de choisir sa monture, tandis que le joueur ayant reçu le numéro associé au cheval gagnant remportait la totalité des gains. 

Le second se nommait pari « à la cote ». Tout droit venu d’Angleterre et encadré par des bookmakers, ces derniers reposaient sur un système de cote fixe. Les bookmakers proposaient alors à leur clientèle proche les côtes avant une course et, repartaient avec la totalité des sommes misées si aucun des chevaux sélectionnés par leurs clients ne venait à l’emporter. 

Dans les deux cas, ces façons de parier possédaient leurs inconvénients. D’un côté le pari « à la poule » reposait sur un pur hasard, de l’autre, les bookmakers orchestrant le pari « à la cote » avaient tout intérêt à ce que les chevaux de leurs clients perdent pour ainsi récupérer les mises en jeu. Il n’était donc pas rare que ces derniers tentent par divers moyens d’influencer le résultat de la course afin d’en tirer un avantage. Des cas de triche relativement fréquents ayant donné lieu à de nombreuses plaintes du côté des parieurs. 

La naissance du pari mutualité : Vers une pratique plus fiable

Face à ces fléaux, un immigré catalan répondant au nom de Joseph Oller apporta une solution ô combien efficace en donnant naissance à une nouvelle pratique : Le pari mutualisé.  

Le principe était simple et reste de nos jours inchangé. Afin d’exclure le hasard et limiter au maximum l’hégémonie des bookmakers, ce type de pari laissait la possibilité aux parieurs de choisir leur cheval avant le départ de la course. Une fois les mises effectuées et la course terminée, les gagnants repartaient avec l’argent des perdants, tandis que les organisateurs se réservaient une commission établie au préalable. Ainsi, leur salaire étant déjà acquis, ils n’avaient aucun intérêt à influencer le résultat de la course. 

Relativement sain d’esprit et contournant la mainmise des bookmakers, le pari mutuel connu dès ses débuts un franc succès. En France, un arrêté de décembre 1874 vint cependant interdire sa pratique. Oui, malgré le choix du cheval, ce type de pari fut malgré tout considéré comme un jeu de hasard du fait que les cotes utilisées fluctuaient jusqu’au départ de la course. Un bémol que ne possédait pas le pari « à la cote ». Les bookmakers pouvaient ainsi continuer librement leurs affaires. 

Parier sans se déplacer : La création du PMU

La donne s’inversera finalement en 1891. Reconnaissant les abus et les fraudes orchestrées par certains bookmakers, le gouvernement français promulgua l’interdiction du pari « à la cote », tandis que le pari mutuel devenait le seul type de pari autorisé. Des Sociétés de Courses reconnus par l’État devenaient dès lors les seuls organismes habilités à organiser ces paris et ce, uniquement à l’intérieur des hippodromes. 

Parier en ville était donc à ses débuts prohibé. Face à cette interdiction, des organisations clandestines émergèrent un peu partout en France, offrant la possibilité de parier sur les courses hippiques directement en ville, sans avoir à entrer dans les hippodromes. Ces bookmakers urbains générant une perte d’argent conséquente pour les Sociétés de Courses, l’État autorisa en 1930 l’enregistrement de pari depuis les villes. L’année suivante, le Pari Mutualisé Urbain (PMU) fut créé. Une institution devenue célèbre, en charge de régir la pratique des paris hors hippodrome et d’en transmettre les recettes aux Sociétés de Courses. 

Son succès fut immédiat. Dès 1938, son chiffre d’affaires représentait 78,3% de celui enregistré sur les hippodromes. Présent de nos jours dans chaque centre-ville, il apporta un véritable renouveau au monde du pari, offrant la possibilité à tous de parier sans avoir à parcourir de grandes distances à la quête de l’hippodrome le plus proche. 

Toucher davantage de disciplines via de nouvelles pratiques

Surfant sur cette dynamique due à la naissance du PMU, la seconde moitié du XXème siècle apporta un second vent de fraicheur. Avec l’arrivée des premières télévisions dans les bars et les foyers, ainsi que les premières retransmissions en direct des événements sportifs, les paris s’ouvrirent à de nouvelles disciplines. Le football en fut l’une des premières. Initié en Angleterre, il était dès lors possible de parier sur l’ensemble des matchs d’une journée du championnat en prédisant le résultat des diverses rencontres (Victoire de l’équipe jouant à domicile / Match nul / Victoire de l’équipe jouant à l’extérieur).  

Puis, la naissance d’Internet durant les années 1990 démultiplia la pratique. Devenu encore plus accessible, parier ne se cantonnait désormais plus aux courses hippiques et au football, mais couvrait désormais un large panel de disciplines sportives. De nos jours, plus aucun sport ne fait exception. Grâce à des sites toujours plus nombreux, il est devenu possible de parier sur chaque événement sportif, allant de la Coupe du Monde de football au petit tournoi de tennis mettant aux prises des joueurs semi-professionnels. 

Quant au type de pari, miser sur la victoire d’un jockey, d’un sportif ou d’une équipe est presque devenu obsolète. Oui, désormais, on peut espérer remporter des gains en prédisant un score final, une différence de but, le nom d’un des buteurs et tout un florilège d’autres données. De quoi passer des heures à étudier minutieusement le pari que l’on souhaite réaliser pour à la fin perdre sa mise en un rien de temps. Finalement, n’était-ce pas mieux lorsque les courses hippiques étaient le seul événement sur lequel on pouvait parier ?

Pour en savoir plus :

https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2011-4-page-5.htm

https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2017-2-page-107.htm

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