Manchester City, un club régulièrement visé par le fair-play financier
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Désormais, aucun mercato ne se déroule sans que son nom soit évoqué. Le fair-play financier est un outil instauré en 2010 par l’UEFA visant à « améliorer la santé financière du football européen », tel il est présenté sur leur propre site. Mais concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Est-il une garantie d’équité entre les clubs européens ? Interdit-il des dépenses excessives bien supérieures aux recettes générées tout au long de la saison ? Sanctionne-t-il les clubs disposant de ressources financières presque illimitées ? Voici comment tout cela fonctionne.
Le fair-play financier est né au lendemain de la crise économique de 2008. Tout comme de nombreux domaines, le monde du football a fortement été impacté par cette Grande Récession. Faute de ressource financière, certains clubs ont fait faillite quand d’autres se sont retrouvés dans l’impossibilité de payer les salaires des joueurs et les indemnités de transfert. En 2009, un rapport de l’UEFA annonçait que plus de la moitié des 655 clubs évoluant dans les championnats majeurs européens avaient enregistré un déficit économique sur cette saison écoulée. Cette même année, la dette totale de ces clubs atteignait les 8,4 milliards d’euros. Du jamais vu.
Le football européen était au plus mal, les finances n’étaient pas saines, l’UEFA devait agir. Sous la présidence de Michel Platini, le comité exécutif a adopté à l’unanimité une réforme visant à améliorer la transparence des clubs et la santé de leur finance : Un nouveau dispositif dénommé fair-play financier.
Quels clubs sont concernés par le fair-play financier ?
Chaque année, tous les clubs engagés dans l’une des trois compétitions européennes organisées par l’UEFA doivent se plier aux règles du fair-play financier. Soit ceux participants à la Ligue des Champions, la Ligue Europa et la Ligue Europa Conférence récemment créée.
Que surveille l’UEFA ?
À son lancement en 2010, la mission première du fair-play financier était de vérifier que toutes les indemnités de transfert envers les autres clubs et les salaires des joueurs étaient bien payés. En d’autres termes, les retards de paiement était l’unique donnée contrôlée par l’UEFA.
Puis, en 2013, le fair-play financier est entré dans une seconde phase avec l’ajout du principe d’équilibre financier. À compter de la saison 2013-2014, les clubs européens participants aux compétitions organisées par l’UEFA ne pouvaient plus dépenser plus d’argent qu’ils n’en gagnent. Un moyen d’assainir les finances des clubs en évitant une démultiplication de leurs dettes pouvant conduire à la faillite.
Cette nouvelle règle n’incluait pas les sommes dépensées dans les infrastructures, la formations des jeunes et le développement du football féminin. Aussi, l’UEFA autorisait un déficit annuel de cinq millions d’euros, tandis que les actionnaires des clubs pouvaient injecter jusqu’à 45 millions d’euros afin de combler une partie des dépenses. Une somme rabaissée à 30 millions d’euros en 2015, défavorisant les clubs financés par les fonds colossaux de leurs dirigeants (PSG, Manchester City…). À l’inverse, les écuries historiques (Real Madrid, Bayern Munich, Manchester United…) qui s’appuient sur leur palmarès et leur notoriété pour accroître leurs recettes sortaient gagnantes de cette réforme puisqu’elle ne les concernait peu.
Au fil des années, les règles du fair-play financier étaient révisées et chaque nouveau point ajouté penchait en faveur d’une plus grande souplesse à l’égard des nouveaux clubs dont les fonds proviennent du Moyen-Orient. En 2018, l’UEFA instaurait un déficit maximum de 100 millions d’euros entre les ventes et les dépenses sur le marché des transferts. Puis, en 2022, après un premier assouplissement des règles pour permettre aux clubs de mieux traverser la crise liée au Covid-19, les exigences étaient une nouvelle fois nivelées vers le bas.
Encore en vigueur de nos jours, le fair-play financier made in 2022 revoit à la baisse ce principe d’équilibre financier. Désormais, les clubs sont autorisés à enregistrer un déficit de 60 millions d’euros sur trois ans à condition qu’il soit comblé par les propriétaires du club. En contrepartie, l’UEFA essaye d’introduire un plafond salarial. À compter de la saison 2023-2024, la masse salariale des clubs européens ne devra plus dépasser les 90% de leurs revenus. Un taux que l’UEFA abaissera à 80% la saison suivante, puis à 70% pour l’exercice 2025-2026.
Le règlement est plus souple, le principe d’équilibre financier meurt peu à peu et des clubs comme le PSG ou Manchester City peuvent d’avantage s’appuyer sur les fonds personnels de leurs propriétaires, presque illimités. Mais le fair-play financier n’est pas aboli et les écuries les plus gourmandes peuvent encore se faire attraper par la patrouille en cas de dépenses excessives. Que risquent-elles en cas d’infraction ?
Que risquent les clubs en cas d’infraction ?
Sur le papier, beaucoup, dans les faits, pas grand-chose. Sur son propre site, l’UEFA a dressé la liste des sanctions applicables en cas de non-respect du fair-play financier. Les fautes les moins graves sont simplement sujettes à une mise en garde ou un blâme. Puis, plus un club a bafoué le règlement plus il risque gros. Ainsi, l’UEFA s’octroie le droit d’infliger une amende, de déduire des points (dans le cadre des phases de groupe en Ligue des Champions), de ne pas verser les recettes générées par la compétition, de refuser l’inscription de nouveaux joueurs, de réduire le nombre de joueurs inscrits, d’exclure un club de la compétition durant une ou plusieurs saisons et enfin de retirer un titre à un club jugé fautif.
Dans la réalité, l’UEFA ne dépasse que très rarement le stade de la simple amende, très facile à payer pour un club disposant de propriétaires aux ressources financières colossales. Chaque année, la liste des clubs sanctionnés dans le cadre du fair-play financier est dressée et chaque année, une poignée de clubs reçoit une amende, plus ou moins conséquente, pour avoir transgressé les règles édictées. En 2022, le PSG avait écopé d’une amende de 10 millions d’euros et d’un redressement étalé sur trois ans pour non-respect des règles durant les deux saisons précédentes. La sanction la plus lourde infligée cette année-là par l’UEFA.
Quatre ans auparavant, l’AC Milan faisait figure de mauvais élève et se voyait interdit de participer aux compétitions de l’UEFA à cause de leur incapacité à rembourser certains prêts à un fonds d’investissements américain. Une sanction finalement levée après un passage devant le Tribunal Arbitral du Sport qui, face à un plan de redressement jugé viable, autorisait le club lombard à disputer l’Europa League.
Depuis la création du fair-play financier, l’une des sanctions les plus lourdes fut infligée au club espagnol de Malaga qui, en décembre 2012, était exclu des compétitions européennes durant quatre saisons à cause de nombreuses dettes impayées. Oui. L’UEFA adopte une politique souple avec les écuries les plus riches mais intransigeante devant les clubs de seconde zone. Et l’on s’étonne d’un football à deux vitesses ?
En conclusion, le fair-play financier vise à assainir les finances des clubs européens en s’assurant qu’ils payent leurs factures et ne dépensent pas plus qu’ils ne gagnent. L’intention est belle, mais l’assouplissement des règles ces dernières années et le laxisme dans les sanctions empêchent de construire un football européen plus égalitaire, construit essentiellement sur les revenus liés aux performances sportives. Pour pouvoir recruter à des prix toujours plus excessifs, les plus grosses écuries jouent avec les limites du fair-play financier. Ils se creusent les méninges pour contourner les règles édictées, comme l’explique très bien cet article.
Pour en savoir plus :
https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Ce-qu-il-faut-savoir-sur-le-fair-play-financier/955358