Tour de France : Le jour où Eddy Merckx recevait un coup de poing au foie

Eddy Merckx, au soir de la 14e étape, après avoir reçu un coup de poing au foie dans le puy de Dôme

Dimanche 11 juillet 1975, 14e étape du Tour de France. Dans les pentes du puy de Dôme, Eddy Merckx était victime d’un coup de poing au foie assené par un spectateur. La respiration coupée, le maillot jaune terminait l’étape en titubant. Eddy Merckx était vaincu par l’hostilité des spectateurs français. 

Eddy Merckx, en quête d’une sixième victoire sur le Tour de France

Son sixième Tour de France aurait pu lui permettre d’être le seul détenteur d’un prestigieux record. Avec cinq succès lors de ses cinq premières participations à la Grande Boucle, Eddy Merckx comptait autant de victoires que Jacques Anquetil. Le Belge n’était qu’à un sacre de devenir l’unique coureur le plus victorieux sur les routes du Tour.

Son Tour de France 1975 et sa quête d’une sixième victoire avaient idéalement débuté. Comme à son habitude, Eddy Merckx écrasait la concurrence sur les contre-la-montre. Vainqueur à Saint-Hilaire-de-Riez et à Auch des deux premiers contre-la-montre de ce Tour, le « Cannibale » abordait les premières étapes de montagne avec le maillot jaune sur les épaules. Derrière lui, Bernard Thévenet lui reprenait une cinquantaine de secondes durant la traversée des Pyrénées. Au matin de la 14e étape reliant Aurillac au sommet du puy de Dôme, Eddy Merckx comptait 1 minute et 32 secondes d’avance sur le natif de Saône-et-Loire.

Le coup de poing au foie dans l’ascension du puy de Dôme

Des 173 kilomètres de course séparant Aurillac au sommet du puy de Dôme, les 165 premiers kilomètres n’avaient permis de faire aucune différence entre les favoris du classement général. Bernard Thévenet, Eddy Merckx, Lucien Van Impe et Joop Zoetemelk, les quatre premiers du Tour de France, attaquaient ensemble l’ascension du puy de Dôme.

À 5 kilomètres du sommet, Bernard Thévenet attaquait le premier, suivi par le maillot à pois Lucien Van Impe. Eddy Merckx et Joop Zoetemelk s’évertuaient à limiter l’écart. Les deux hommes de tête ne comptaient qu’une vingtaine de secondes d’avance sur le maillot jaune. Lucien Van Impe s’isolait dans les dernières rampes et s’en allait remporter l’étape. Bernard Thévenet franchissait la ligne d’arrivée quinze secondes derrière lui. C’est à cet instant précis que l’hostilité croissante du public français envers Eddy Merckx atteignait des proportions inégalées. Fréquemment hué par un public lassé de le voir tout gagner, le Cannibale était, cette fois-ci, agressé physiquement. À 150 mètres de la ligne d’arrivée, un spectateur placé à sa droite lui donnait un coup de poing dans le foie. 

Eddy Merckx vacillait. Le souffle coupé, il parvenait non sans mal à effectuer les derniers mètres le séparant de la ligne d’arrivée. Le Belge venait de concéder 34 secondes à Bernard Thévenet, l’écart entre les deux hommes descendait sous la minute. 

L’auteur du coup de poing au foie condamné à de la prison avec sursis

Au micro des journalistes, le Belge ne cachait pas sa colère : « C’est dégueulasse, j’ai été insulté, déjà, mais frappé, jamais. Je suis écœuré. ». En redescendant du puy de Dôme pour regagner l’hôtel, Eddy Merckx s’arrêtait au niveau de l’incident. Parmi les spectateurs, il reconnut et pointait du doigt l’homme qui venait de le frapper. Un quinquagénaire dénommé Nello Breton. Tout penaud, ce dernier niait en bloc les accusations du Cannibale, malgré la foule qui confirmait l’identité du malfaiteur. « Je ne l’ai même pas touché… je voulais juste le pousser » confiait Nello Breton, en tentant une justification maladroite et pleine de mauvaise foi. Les deux hommes se retrouvèrent quelques mois plus tard devant les tribunaux. Eddy Merckx attaquait son agresseur en justice, ce dernier s’en sortait avec un an de prison avec sursis et un franc symbolique de dommages et intérêts. 

Eddy Merckx en pleine défaillance, Bernard Thévenet en profite et remporte le Tour

Au lendemain de l’incident du puy de Dôme, les coureurs de cette 62e édition du Tour de France étaient de repos à Nice. Le surlendemain, ils poursuivaient leur route en direction de Paris avec une étape de montagne reliant la préfecture des Alpes-Maritimes à Pra-Loup, dans les Alpes. 

Galvanisé par sa deuxième place acquise au sommet du puy de Dôme et poussé par un public acquis à sa cause, Bernard Thévenet se montra le plus remuant. Longtemps sur la défensive, Eddy Merckx plaçait une attaque au sommet du col d’Allos et prit tous les risques dans la descente pour creuser l’écart en tête de course. Au pied de l’ascension finale menant à Pra-Loup, le Belge comptait plus d’une minute d’avance sur Bernard Thévenet. 

Les six kilomètres de cette ascension finale, classée en 2e catégorie, ne représentaient pas une difficulté majeure du Tour de France. De l’aveu des suiveurs, Eddy Merckx allait s’imposer et conforter son maillot jaune. 

Mais le Belge était victime d’une terrible défaillance. À la moitié de l’ascension, un Bernard Thévenet galvanisé revenait sur le Cannibale et le déposait. En solitaire, le coureur français s’en allait décrocher un premier succès sur ce Tour de France 1975. À bout de force, Eddy Merckx terminait l’étape à la cinquième place, relégué à 1 minute et 56 secondes de Bernard Thévenet. 

Le Cannibale, l’homme aux 96 jours en jaune sur le Tour de France, était dépossédé de sa tunique dorée. Il ne le savait pas encore, mais Eddy Merckx venait de porter le dernier maillot jaune de sa carrière. Le lendemain, Bernard Thévenet enfonçait le clou dans l’Izoard et décrochait un second succès d’étape à Serre-Chevalier. 

Eddy Merckx était vaincu. Dépassé par un immense Bernard Thévenet qui s’en alla remporter son premier Tour de France, battu par l’agressivité d’un spectateur et cet hématome au foie qui le faisait souffrir. À quel point ce coup reçu au foie avait pesé dans la balance ? Même si Eddy Merckx justifie sa défaillance par le traitement médical administré pour calmer la douleur, nous ne le saurons jamais. 

La fin du roi Merckx

Quoi qu’il en soit, le « Cannibale », le coureur capable de l’emporter sur tous les terrains, mourrait, ce jour-là, sur les pentes du puy de Dôme. À 30 ans, Eddy Merckx ne retrouva jamais son meilleur niveau. En 1976, il décrochait un ultime succès majeur à San Remo, en remportant la Primavera pour la septième fois de sa carrière. Un record. Absent du Tour de France en 1976, le Belge revenait une dernière fois en 1977. Une Grande Boucle qu’il terminait à la sixième place, sans le moindre succès individuel. 

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