Le 3 octobre 1984, le FC Metz réalisait l’un des plus grands exploits du football français. En 16ede finale de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe, le modeste club lorrain, battu 4 – 2 au match aller, s’imposait 4 – 1 sur la pelouse du FC Barcelone et éliminait les Catalans de la compétition. Une surprise, vécue et commentée par la presse espagnole.
“Metz, un champion inattendu”
Tel était le titre choisi par le quotidien sportif catalan El Mundo Deportivo, pour présenter le futur adversaire du FC Barcelone dans son édition du 11 juillet 1984. Une « modeste équipe provinciale », qui fut « la grande surprise de la saison qui vient de s’achever ». Deux mois plus tôt, le club à la croix de Lorraine, douzième de première division et en proie à de graves problèmes financiers, s’imposait deux buts à zéro en finale de la Coupe de France face à l’AS Monaco, vice-champion de France. Le FC Metz décrochait son premier titre majeur.
El Mundo Deportivo mettait en garde ses lecteurs, « la surprise peut surgir à tout moment ». Malgré une faiblesse défensive, faisant de Metz « la cinquième équipe à avoir encaissé le plus de buts » en France cette saison, le quotidien catalan rappelait que « l’équipe lorraine a montré comment on peut battre une équipe supérieure sur le papier. »
Dans son édition du 19 septembre 1984, jour du match aller organisé au stade Saint-Symphorien, El Mundo Deportivo relayait les mots du président messin Carlo Molinari qui présentait la rencontre comme « un affrontement entre David et Goliath ». Il n’avait pas tort. Comme le rappelait le quotidien espagnol El País, Metz occupait « la 15e place avec 8 buts marqués et 16 encaissés, soit la pire différence de buts de toute la Première Division française ». Face à eux, un FC Barcelone doté d’un budget « sept fois supérieur à celui de Metz », des mots de Carlo Molinari relayé par El Mundo Deportivo. Le duel s’annonçait déséquilibré, le FC Barcelone avait un « potentiel largement supérieur à celui des locaux, mais qui sait. Dans le football, les surprises sont au rendez-vous. »
Le match aller tourne à la démonstration, la presse espagnole salue la performance du FC Barcelone
Dans une ville portée par « l’ambiance que la visite du FC Barcelone a suscité », le club catalan a remporté le premier acte sans trembler. El Mundo Deportivo décrivait « un match étrange, riche en buts et en erreurs, où pour une fois les attaquants étaient plus inspirés que les défenses ». Score final : 4 – 2 en faveur des visiteurs. « La supériorité de Barcelone était telle qu’elle ressemblait à une marche militaire », face à une équipe de Metz qui a « creusé son trou avec un but contre-son-camp. »
En effet, dès la douzième minute de jeu, les Grenats offraient le premier but de la rencontre au FC Barcelone lorsque Luc Sonor faisait trembler ses propres filets. « Une véritable douche froide pour l’équipe locale », une aubaine pour le FC Barcelone qui, selon El País, « n’avait pas besoin de ce cadeau ».
Un but inscrit contre le cours du jeu par Toni Kurbos permettait au FC Metz de rentrer aux vestiaires avec un score nul. L’occasion pour El Mundo Deportivo de souligner « la défense barcelonaise quelque peu désordonnée ».
Dès le début de la seconde période, les Catalans accéléraient et inscrivaient trois buts en l’espace de dix minutes. Le FC Barcelone « pouvait en inscrire plus », dans les tribunes, les « journalistes espagnols se demandaient comme ce FC Metz avait pu remporter la Coupe de France ».
Le FC Metz réduisait l’écart en fin de rencontre grâce à un but sur penalty, mais pour la presse espagnole, le sort était déjà scellé. « Le match retour semble être une pure formalité » pour El Mundo Deportivo, « Metz est quasiment éliminé de la Coupe des vainqueurs de coupe ». Le FC Barcelone avait en effet montré une nette supériorité, comparable « à une marche militaire » pour la presse espagnole. Le club catalan avait « donné la sensation, par moments, de jouer à volonté avec son ennemi », tandis que Metz montrait « des défaillances évidentes au niveau de sa ligne défensive ». En guise de point final, le quotidien El País comparait l’équipe lorraine à une bande de « onze amis » sur un terrain.
Un match retour plié d’avance
Deux semaines plus tard, l’heure de la revanche avait sonné. Les joueurs messins débarquaient en terre catalane avec l’envie de se racheter. L’humiliation subie au match allé les avait piqués au vif, il fallait montrer qu’ils étaient capables, au mieux, de tenir tête au FC Barcelone.
Pour la presse espagnole, l’affaire était déjà entendue, le match s’annonçait être une simple formalité. « Tremble Metz ! », titrait El Mundo Deportivo. Le quotidien catalan rappelait tout de même qu’il ne fallait se laisser aller à la paresse, « non pas à cause du danger de l’élimination, qui n’est dans l’esprit de personne, mais parce qu’il y a un intérêt à jouer un bon match (…) de plaire aux supporters et de contrecarrer les commentaires selon lesquels l’équipe joue mieux à l’extérieur qu’au Camp Nou ». De son côté, El Paísévoquait une rencontre « théoriquement facile face à Metz », contre une équipe qui souhaite simplement « clore ce chapitre le plus dignement possible ».
Malgré leur volonté de terminer sur une note positive, les joueurs messins eux-mêmes n’hésitèrent pas à profiter de leur séjour à Barcelone. La veille du match, l’ultime séance d’entraînement, traditionnellement légère, s’était transformée en une confrontation à sept contre sept de plus de deux heures, par pur plaisir de pouvoir jouer sur la mythique pelouse du Camp Nou. Le soir, une partie du collectif allait boire quelques verres dans le centre-ville, avant de rentrer à l’hôtel vers deux heures du matin. L’esprit était léger et aucun ne croyait à un hypothétique revirement de situation. La preuve en est, aucune télévision française n’avait fait le voyage jusqu’à Barcelone tant la rencontre s’annonçait dénuée d’intérêt.
Et Metz créa l’exploit
La suite, la presse espagnole n’avait pu l’écrire à l’avance. Après une demi-heure de jeu soporifique, le FC Barcelone ouvrait la marque et confirmait ce que tout le monde avait prédit. Le spectacle était « sans saveur », commentait El Mundo Deportivo, les Barcelonais produisaient un jeu « sans risque, anodin, et avec de nombreuses imprécisions », mais ils étaient devant au tableau d’affichage.
Puis Metz se réveilla. Kurbos égalisait, Sanchez faisait trembler ses propres filets une minute plus tard. Le scénario basculait, « ce modeste et médiocre Metz rentrait à la mi-temps avec une avance de 1-2 au tableau d’affichage ».
En seconde période, la « faible ligne défensive du FC Barcelone », encaissait un troisième but. Le second de l’attaquant Yougoslave Zvonko Kurbos. « Le Barça jouait mal, tellement mal, que même les modestes Français entretenaient l’idée qu’un miracle était possible », soulignait El Mundo Deportivo. Bien que remplies par seulement 24 000 spectateurs, « les tribunes, sont passées de la plaisanterie et de l’indifférence à une nette nervosité et inquiétude ». Les minutes s’égrenaient, le FC Barcelone était méconnaissable, Metz en profitait pour enfoncer le clou d’un quatrième but à quelques minutes de la fin du temps réglementaire, une nouvelle fois inscrit par Kurbos. « Le grand héros de son équipe et le bourreau du Barça » avouait El Mundo Deportivo, qui admettait que l’homme du match ne pouvait être nul autre que l’attaquant Yougoslave.
Score final : 4 – 1 en faveur du FC Metz. Les Grenats réalisèrent l’exploit d’éliminer, chez eux, le FC Barcelone de la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe. De la description faite par les médias espagnols, « les journalistes français se frottaient les yeux, incrédules devant une réalité presque surnaturelle ».
Du côté des confrères ibériques, la défaite était vécue comme un drame. Un « malheur européen », un « K.O historique », la « plus grande catastrophe européenne du FC Barcelone », commentait El Mundo Deportivo. Loin de louer le mérite des joueurs lorrains, le quotidien catalan insistait sur le fait que le jeu de ce Barça-là ne pouvait « actuellement être comparé au niveau européen ». El País rapportait « le visage d’enterrement de Nicolau Casaus », vice-président du FC Barcelone, après cet « incroyable victoire du modeste Metz ». Quant au El Périodico de Catalunya, ce quotidien catalan faisait état d’un FC Barcelone « humilié » et d’un « mercredi noir » pour le football espagnol. Et pour cause, en parallèle de l’exploit messin, les Girondins de Bordeaux remportèrent leur double confrontation face à l’Athletic Bilbao et éliminaient le club basque de la Coupe des clubs champions européens. Deux clubs espagnols au tapis dès les seizièmes de finale, sorti des compétitions européennes par des équipes françaises.