Crédit : CC-BY-NC-ND 2.0 by jccchou
Avec le cricket et le football américain, le rugby, dans son format le plus populaire opposant deux équipes de quinze joueurs, fait partie des très rares sports collectifs à ne pas avoir sa place aux Jeux Olympiques.
Pourtant, il y avait une époque où le rugby à XV figurait bien au programme du plus grand événement sportif. Quatre ans après le renouveau des Jeux Olympiques, l’édition de 1900 organisée à Paris comptait parmi son programme un tournoi-exhibition de rugby se tenant sur la pelouse du stade de Vincennes. L’événement, disputé devant quelques milliers de spectateurs tout au plus n’avait attiré que trois équipes. Un collectif composé des meilleurs joueurs parisiens représentait la France, tandis que le club des Moseley Wanderers jouait sous le drapeau britannique et une équipe venue de Francfort défendait les chances de l’Allemagne. Deux victoires des joueurs tricolores permettaient à la France de remporter ce tournoi inaugural et repartir avec un prix olympique (les médailles n’existaient pas encore).
Écarté en 1904, le rugby à XV était à nouveau inscrit au programme des Jeux en 1908 et en 1920. À Londres puis à Anvers, la discipline peinait à trouver des participants. Deux équipes inscrites en 1908, idem en 1920. L’Australasie remportait la première des deux éditions contre les Britanniques, puis les États-Unis inscrivaient à leur tour leur nom au palmarès en s’imposant 8-0 face à une équipe de France peu entrainée. Quatre ans plus tard, le rugby était à nouveau sur la liste des sports présents aux Jeux de 1924. Mais la dramaturgie du tournoi incitait le Comité International Olympique à ne plus reprogrammer la discipline.
Le match de la honte
En France, le ballon ovale avait cette fois-ci réuni trois nations. Dans un tournoi toutes rondes, Français, Roumains et Américains se disputaient au stade de Colombes un titre olympique qui semblait promis aux tricolores. Leur premier match face au collectif venu de Roumanie confirmait la tendance. En 80 minutes de jeu, le XV de France inscrivait treize essais et s’imposait 61-3. Après une nouvelle défaite Roumaine face aux États-Unis, Français et Américains se retrouvaient une semaine plus tard en finale. Une rencontre avec l’or olympique à la clé, qui dès les premières minutes de jeu tournait à la déchéance.
Ni le public, ni le XV de France ne s’attendait à une telle adversité. Ces joueurs américains, qui pour la plupart d’entre eux venaient du basket ou du foot US avaient parfaitement préparé leur tournoi du côté de l’Angleterre. Physiquement au-dessus, ils terrassaient la mêlée française et transperçaient leur défense sans grande difficulté. Au fur et à mesure que le score grimpait et que les joueurs tricolores sortaient sur civière, battus à la régulière, une haine de l’adversaire s’emparait des 20 000 spectateurs. Sur le terrain comme en tribunes la tension montait. Les quelques supporters américains présents au stade de Colombes étaient roués de coup, le caméraman se prenait des cailloux au visage et quelques internationaux tricolores jugèrent bon d’évacuer leur frustration par divers excès d’engagement.
Au coup de sifflet final, le tableau des scores affichait 17-3 en faveur des États-Unis. Immédiatement, la pelouse était envahie par des centaines de supporters vexés par cette défaite. Souhaitant régler leurs comptes vis-à-vis des joueurs adverses, il fallut l’intervention de 250 policiers pour protéger le collectif américain, tentant désespérément de regagner leur vestiaire dans cette scène de chaos qu’aucun n’avait anticipé. « C’est ce qu’on peut faire de mieux sans couteau, ni revolver » résumait Allan Muhr, ancien international tricolore d’origine américaine.
L’horreur vécue durant cette finale sanglante poussait le CIO à radier le rugby du programme olympique. En 1936, un tournoi européen organisé en marge des Jeux de Berlin devait réconcilier les deux parties et permettre un retour de la discipline. Bien qu’aucun incident ne fût à déplorer, le traumatisme était encore trop frais pour que le rugby puisse retrouver sa place au sein du mouvement olympique.
Depuis, le rugby à XV reste l’un des grands absents des Jeux. Une version à sept a tout de même été introduite aux Jeux de Rio en 2016, maintenue à Tokyo et inscrite au programme des Jeux de Paris. Une première étape avant le retour de son format à quinze joueurs ?