Crédit : CC BY-SA 2.0 by Antoine Dellenbach
Se déroulant deux fois dans l’année, le mercato est une période intense dans le monde du football où de nombreux joueurs transitent d’un club à un autre en échange d’une certaine somme d’argent. Si de nos jours cette pratique semble tout à fait normale, lors des prémices du football et jusqu’à la fin du XIXème siècle, aucun joueur n’était transféré de la sorte. Alors, quand eut lieu le premier transfert de l’histoire ?
De la professionnalisation du football au premier transfert de l’histoire
En 1885, après des années de lutte entre les partisans d’un sport en voie de professionnalisation et ceux souhaitant que le football reste une pratique purement amatrice, jouée uniquement en dehors des heures de travail, la fédération anglaise trancha et devenait la première instance de football à légaliser le professionnalisme au sein de son pays. Pour les joueurs, cette révolution apporta son lot de bénéfices comme d’inconvénients.
Certes, et bien que la pratique restait encore rare, ils leur étaient désormais possible de toucher de maigres revenus de la part de leurs clubs, leur permettant de compenser en partie leur absence au travail lorsqu’un match ou un entrainement devait se tenir. Mais en contrepartie, insuffler un enjeu monétaire au football réduisit grandement leur liberté. Tandis que les joueurs étaient jusque-là autorisés à jouer pour n’importe quel club et à en changer sans la moindre contrainte y compris en cours d’année, la fédération anglaise mit au point dès 1885 un processus d’enregistrement des joueurs afin de mieux encadrer la pratique du professionnalisme. Pour pouvoir participer aux diverses compétitions organisées en Angleterre, un joueur devait désormais être inscrit avant chaque début de saison au sein d’un unique club et ne pouvait pas en changer en cours de saison sans l’accord du club et de la fédération anglaise. En revanche, il restait encore libre de s’engager avec le club de son choix une fois la saison terminée et avant que la nouvelle ne débute. Du moins… jusqu’en 1893.
Cette année-là, la fédération anglaise de football restreignit encore plus les libertés de leurs footballeurs professionnels avec l’introduction d’un système de rétention, une nouvelle mesure permettant aux clubs de posséder un contrôle total sur leur effectif. Désormais, les joueurs ne pouvaient plus partir vers un autre club sans l’accord de leurs dirigeants et ce, même en fin de saison. En d’autres termes, les footballeurs évoluant dans le championnat anglais étaient liés à leur club jusqu’à ce que ce dernier en décide autrement.
Cette règle, créée pour garantir une certaine équité entre petits et gros clubs en évitant que tous les meilleurs joueurs ne partent à destination des équipes proposant les salaires les plus élevés, mena indirectement à la venue des transferts en échange d’une somme monétaire. En effet, face aux envies d’ailleurs d’un de leurs joueurs, les clubs pouvaient désormais décider de les conserver contre leur gré ou bien monnayer leur départ.
Et c’est ce qui se produisit lors de l’intersaison 1893, peu de temps après que ce système de rétention fut adopté. Il est de coutume d’admettre que l’avant-centre écossais Willie Groves hérita du titre de premier joueur transféré de l’histoire lorsque son départ de West Bromwich Albion vers Aston Villa fut acté en échange de 100£, soit 120€. En réalité, plusieurs autres joueurs furent transférés en échange d’une somme monétaire durant cet été 1893, à commencer par son coéquipier Jack Reynolds qui rejoignit à son tour les rangs d’Aston Villa pour 50£. Des montants dérisoires de nos jours, ne permettent même pas de s’offrir ne serait-ce qu’un orteil des meilleurs joueurs actuels. Un transfert plus élevé fut également enregistré cette année-là lorsque Blackburn, en proie à de graves soucis financiers, parvint à vendre leur attaquant vedette Jack Southworth à Everton en échange de 300£. Un prix justifié par le fait qu’il était l’un des meilleurs buteurs du championnat britannique depuis plusieurs saisons.
Les records de transfert : Une courbe exponentielle
De l’achat de Willie Groves par Aston Villa en 1893 en échange de 100£ au transfert de Neymar au PSG contre 198 000 000£ (222 millions d’euros), la progression historique du transfert le plus élevé a suivi une tendance exponentielle qui n’a fait que s’accélérer au fil des décennies.
En 1905, douze ans après Willie Groves, le Britannique Alf Common devenait le premier joueur transféré pour 1 000£ lorsqu’il quitta Sunderland à destination de Middlesbrough. Vingt-trois années plus tard, la signature de David Jack à Arsenal pour plus de 10 000£ devenait le premier transfert conclu sur une somme à cinq chiffres.
Après avoir franchi le cap des 100 000£ en 1961 lorsque Luis Suarez quitta le FC Barcelone pour l’Inter Milan, la barre symbolique du million de livres sterling fut atteinte en 1975 quand Naples déboursa 1 200 000£ pour s’offrir les services de l’attaquant italien Giuseppe Savoldi, en provenance de Bologne.
Depuis, les sommes déboursées au mercato prirent des proportions folles. Lors de son arrivée à Milan en 1992, Jean-Pierre Papin devenait le premier joueur transféré pour 10 millions de livres. Six ans plus tard, le cap des 20 millions était franchi, puis celui des 30 millions dès l’année suivante. En 2001, Zidane rejoignait les rangs du Real Madrid pour plus de 46 millions de livres, imité huit ans plus tard par Cristiano Ronaldo, le club de la capitale espagnole déboursant cette fois-ci 80 millions de livres pour s’offrir l’attaquant portugais. Le Gallois Gareth Bale le rejoignit en 2013 en devenant le premier joueur transféré pour plus de 100 millions d’euros (86 000 000£). Depuis, onze nouveaux transferts furent enregistrés au-delà des 100 000 000€, le record absolu étant détenu par Neymar et ses 222 millions d’euros lors de sa venue en 2017 au PSG.