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Critiqué pour son gigantisme et la menace d’une telle course vis-à-vis de l’environnement, l’Ultra-Trail du Mont-Blanc doit prouver, via des mesures concrètes, qu’il s’agit d’un événement capable de concilier plaisir, performance et respect de la nature.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2019, la WWF France estimait le bilan carbone de l’UTMB à 11 610 tonnes. Soit l’équivalent d’un week-end de Grand Prix en Formule 1. D’une course limitée à 300 participants lors de sa première édition en 2003, l’UTMB est désormais le plus gros événement de la planète trail. Chaque année, ils sont environ 10 000 athlètes à s’élancer sur l’une des huit courses organisées durant cette semaine sainte du trail, épaulés et soutenus par 20 000 accompagnants. En ajoutant à cela journalistes, partenaires et les quelques dizaines de milliers de curieux, l’UTMB brasse en moyenne 100 000 personnes venues de plus de 110 pays différents, amassés dans une vallée de Chamonix qui en supporte difficilement autant. Une semaine à ne manquer sous aucun prétexte pour les commerçants, hôteliers et restaurateurs qui jouissent d’une retombée économique estimée à 23 millions d’euros. À l’inverse, les défenseurs de l’environnement, eux, grincent des dents.
Jean-Marc Peillex, le maire de la commune de Saint-Gervais, lieu de passage de l’UTMB, est de ceux qui s’opposent ouvertement au gigantisme de l’UTMB. Dans une lettre envoyée en 2022 au président de la République, il fustigeait ce monument de l’ultra-trail pour son bilan carbone trop élevé et le manque de considération à l’égard de l’environnement. En 2022, la course s’était déroulé en pleine sécheresse, le passage des milliers d’athlètes ne faisant qu’aggraver l’état d’une faune et d’une flore en grande détresse.
Quand ce ne sont pas les élus, le monde du trail lui-même se déchire autour de cet évènement. La dernière polémique en date remonte à l’an dernier, lorsque plusieurs milliers de traileurs s’étaient offusqués face au contrat de naming signé entre l’UTMB et le constructeur de SUV Dacia. Une pétition signée par plus de 2 500 traileurs, dont la star de la discipline Kilian Jornet, demandait la fin de ce naming. L’ultra-traileur espagnol allait encore plus loin, en invitant, dans un mail qu’un entraineur britannique rendait public en janvier 2024, les meilleurs traileurs de la planète à boycotter l’UTMB pour s’opposer à la « direction inquiétante » prise par les organisateurs de la course. Un début d’incendie rapidement étouffé par l’organisation. Une semaine après les faits, elle invitait Kilian Jornet et le trailer Zach Miller, l’autre auteur du mail, à discuter des points d’amélioration pour limiter les dérives économiques et environnementales pointées du doigt par les deux athlètes. Conséquence ou non de cet entretien, l’UTMB a souhaité, cette année, verdir son image en cessant leur contrat de naming avec Dacia, désormais remplacé par l’équipementier HOKA. La marque automobile reste toujours l’un des principaux partenaires de l’événement.
Réduire les émissions liées au transport des athlètes et spectateurs
Mais ces critiques ne pourraient s’estomper sans la prise d’initiatives viables, visant à réduire l’empreinte carbone d’un tel événement. Naturellement, cela passe en premier lieu par une réflexion autour de la question du transport des athlètes, accompagnants et spectateurs, représentant à elle seule 80 % du bilan carbone.
En l’espace de deux années, l’UTMB a doublé son budget consacré au transport, le faisant grimper à 500 000 € pour cette édition 2024, afin de proposer, entre autres, un service de bus toujours plus dense. Cette année, quelque 120 bus seront mobilisés exclusivement pour la course, répartis sur quinze lignes différentes et permettant de desservir vingt-huit stations. Désormais, pour suivre la course, 80 % des points stratégiques seront accessibles uniquement en utilisant les bus et navettes mis en place par l’UTMB. Une offre de transport gratuite pour les athlètes, qui permettrait d’éviter 900 000 km de trajets en voiture et ainsi économiser 200 tonnes de CO2.
En parallèle, l’organisation a mis en place un partenariat avec les TGV Lyria, reliant la France à la Suisse, et Alpy Transfers, qui assure le transport en bus ou en navette entre les différentes stations alpines. Grâce à ces alliances, des billets de TGV à prix réduits ont notamment été mis en vente au début du mois de juin, sur la ligne Paris – Genève, pour tout voyage réalisé entre le 22 août et le 4 septembre, tandis que des codes promo étaient proposés pour réduire le coût des trajets effectués avec Alpy Transfers.
Avec ces initiatives, l’UTMB souhaite inciter les athlètes et accompagnants à ne plus se rendre sur le lieu de l’événement en voiture. Interviewée par France 3 Auvergne Rhône-Alpes, Isabelle Viseux-Poletti, la directrice de la course, a estimé que le plan de transport a permis d’éviter, en 2023, la venue de plus de 5 000 voitures.
Limiter les déchets et le plastique
Depuis 2017, l’UTMB s’engage à respecter la charte des Grands Evenements Sportifs Internationaux (GESI), créée conjointement par le ministère des Sports et la WWF France. Cette dernière impose aux événements signataires de respecter quinze points d’importance capitale, parmi lesquels on retrouve la mobilité durable, évoquée précédemment, mais aussi la suppression à long terme des déchets plastique.
Une bataille que l’UTMB a déjà entamée, en imposant depuis 2018 le système BYOU à tous les participants. Sigle de Bring Your Own Unstensils, cette mesure demande à tous les traileurs de ramener leur propre gobelet, couverts et bol lors des ravitaillements. En parallèle, ils reçoivent tous un sac-poubelle afin de contenir leurs propres déchets.
Ainsi, plus aucune vaisselle jetable n’est utilisée, permettant d’économiser près de 100 000 gobelets en plastique par édition. En 2023, l’UTMB réalisait un pas de plus vers le zéro plastique en supprimant les quelque 15 000 bouteilles d’eau qui servaient, auparavant, à fournir l’eau nécessaire aux athlètes. Désormais, l’eau proposée est celle du robinet, tandis que des machines gazéifiantes permettent de proposer eau pétillante et cola aux participants.
L’objectif du zéro plastique ne rime pas encore avec le zéro déchet. Pour le traitement des biodéchets, l’UTMB fait désormais appel à l’association ECOTRIVELO, assurant à vélo le ramassage des biodéchets dans la vallée de Chamonix. Ce dernier est ensuite transformé en composte puis revendu aux agriculteurs locaux. En une édition, ECOTRIVELO collecte 700 kg de biodéchets.
Quant aux autres déchets, ils sont ramassés et transportés vers les bennes de tri par six membres de l’association AREMACS (Association pour le Respect de l’Environnement lors des Manifestations Culturelles et Sportives), spécialisée depuis 20 ans dans la gestion des déchets des évènements de grande ampleur et la sensibilisation auprès du public.
Sur les ravitaillements, favoriser les produits issus de l’agriculture locale
Autre point présent dans la charte GESI signée par l’UTMB, favoriser l’alimentation venant de circuits courts.
Pour cette édition 2024, 80% des produits proposés aux athlètes, lors des ravitaillements, sont des produits régionaux issus, en grande majorité, de l’agriculture biologique et possédant un label AOP, AOC ou encore le Label Rouge (produit de qualité supérieure).
Autre nouveauté cette année, deux ravitaillements sont 100% végétariens, dont un situé à Arnouvaz, sur le parcours de l’UTMB. La viande et charcuterie traditionnellement proposés sont remplacés par des produits italiens telle la Farinata, une galette faite à base de pois chiches, garantissant un taux élevé de protéines.
Communiquer pour sensibiliser athlètes et spectateurs
La réduction du bilan carbone et le respect de l’environnement passe également par ce point crucial. Véritable promoteur d’une discipline pratiquée en pleine nature, par des amoureux de la nature, l’Ultra-Trail du Mont-Blanc doit sensibiliser ses athlètes sur les enjeux environnementaux.
Pour y parvenir, l’événement a mis en place une équipe d’une vingtaine de bénévoles, dénommée ambassadeurs de l’environnement. Tout au long de la semaine, ils ont pour mission de sensibiliser les traileurs, accompagnants et spectateurs sur la préservation de l’environnement. Les ambassadeurs de l’environnement informent tous les participants des consignes liées au respect de la nature. Ils présentent la signalétique mise en place dans les zones les plus sensibles ou les sites classés Natura 2000, demandant aux athlètes de rester sur le sentier balisé et ne pas utiliser les bâtons pour ne pas dégrader le sol. En cas de non-respect des règles, les athlètes sont soumis à des sanctions.
L’ensemble de ces mesures et prises d’initiatives devraient continuer à se développer durant les années à venir. Sous le feu des critiques pour son gigantisme et son bilan carbone trop élevé aux yeux de certains, l’UTMB compte devenir un événement exemplaire sur le plan environnemental, capable de concilier performance athlétique, haute qualité des services proposés et respect de la nature.
L’une des mesures qui permettrait d’y parvenir serait de réduire le nombre de participants, ou organiser cet événement tous les deux ou trois ans. Une restriction qui, à coup sûr, déplairait aux traileurs même les plus critiques, sachant que l’UTMB fait chaque année face à une demande bien supérieure à la jauge maximale d’athlètes (35 000 demandes de participation pour environ 10 000 participants). Que les ultra-traileurs se rassurent, à l’heure actuelle, les organisateurs de l’UTMB réfutent cette hypothèse.
Pour en savoir plus :
https://sportbusiness.club/lutmb-et-ses-contradictions-environnementales
https://montblanc.utmb.world/fr/get-involved/take-action/environment