Parmi les 176 dossards au départ du Tour de France, le n°51 jouit toujours d’une attention particulière. Longtemps resté anonyme, son mythe s’est forgé au fil de ses porteurs et de leurs succès sur les routes du Tour. Récit d’un dossard, anodin tout au long de l’année mais légendaire sur la Grande Boucle.
Un dossard porte-bonheur…
Au palmarès des dossards les plus victorieux sur la Grande Boucle, le n°1 trône inévitablement en tête. Attribué au vainqueur sortant du Tour de France, le chiffre premier a déjà figuré sur la plus haute marche du podium à 27 reprises en 109 éditions. Derrière, les dossards n°2 et n°11 comptent six victoires chacun. Le 51, « dossard anisé » comme aimait le présenter Antoine Blondin, arrive au pied du podium avec quatre sacres sur le Tour, tout comme le n°15 et le n°21.
Il n’est pas le plus victorieux, certes, mais ce qui le rend si particulier est la rapidité dont sa légende s’est écrit, en à peine plus d’une décennie. Ce numéro en tout point anonyme sortait pour la première fois de l’ombre à l’occasion du Tour 1969. Cette année-là, un jeune coureur belge de 24 ans remportait dès sa première participation le Tour de France, raflant au passage six victoires d’étape, le classement par point, le grand prix de la montagne et le prix de la combativité. Son nom : Eddy Merckx. Son dossard : Le n°51.
1970, 1971 et 1972. Merckx et le n°1 estampillé sur son maillot bien souvent jaune remportait la grande boucle à trois reprises. Grand absent de l’édition 1973, le Cannibale laissait le champ libre à ses principaux rivaux. Luis Ocaña saisissait l’occasion. En jaune depuis la 7e étape, le coureur espagnol n’avait aucun rival. Il remportait le classement général avec une avance très confortable, reléguant son dauphin Bernard Thévenet à plus de 15 minutes. Son dossard : Le n°51.
1974. Merckx apportait la tunique jaune à Paris pour la cinquième fois. Longtemps le Cannibale crut briguer un sixième Tour de France. En tête du général durant l’édition 1975, un coup de poing reçu dans l’ascension du Puy de Dôme fit vaciller le Belge. Touché au foie par un spectateur, Merckx perdait pied après la journée de repos. Thévenet s’envolait dans l’ascension du Pra Loup et s’emparait du maillot jaune qu’il conservera jusqu’à Paris et cette première arrivée jugée sur les Champs-Élysées. Son dossard : Le n°51.
Après le succès de Lucien Van Impe en 1976, le Français récidiva en 1977. L’année suivante, un autre tricolore lui volait la vedette, rêvant d’une carrière à la Merckx. L’année de ses 24 ans également, à l’occasion de sa première participation aussi, un certain Bernard Hinault assommait les grimpeurs sur un contre-la-montre de 72 kilomètres entre Metz et Nancy. À trois jours de l’arrivée à Paris, le Blaireau remportait la première de ses cinq Grande Boucle. Son dossard : Le n°51.
Mais parfois victime du mauvais sort
Voilà. En l’espace de dix éditions, le n°51, jusque-là si discret, déjoua les pronostics à quatre reprises en s’invitant sur la plus haute marche du podium. Ces porteurs de renom qu’étaient Eddy Merckx et Bernard Hinault, deux des quatre quintuples lauréats du Tour de France ont contribué à forger sa légende. Et depuis ?
Plus rien. Quatre décennies de disette pour le dossard anisé qui dans les esprits de tous, n’a pas perdu de son aura sur les routes du Tour. En 2019 on crut bien revivre les plus belles heures du n°51 lorsque Thibaut Pinot, son porteur, semblait le plus fort pour ramener la victoire à Paris. Mais à l’avant-veille de l’arrivée sur les Champs, le Franc-Comtois, victime d’une blessure à la cuisse abandonnait en début d’étape, inconsolable et la mort dans l’âme.
Ces quatre dernières éditions, Thibaut Pinot à nouveau, puis Julian Alaphilippe en 2021 et 2023 et son coéquipier Fabio Jakobsen en 2022 étaient porteur du n°51. Si le premier n’est parvenu à conjurer le mauvais sort, Alaphilippe remportait la première étape du Tour 2021 et s’emparait du maillot jaune avec, tandis que Jakobsen gagnait au sprint la seconde étape du Tour de France 2022. Oui, le dossard n°51 n’a pas perdu ses chiffres de noblesse. Ils demandent simplement à être redorés.