Ces 42,195 kilomètres sont devenus une épreuve de référence pouvant faire rêver les coureurs amateurs comme les plus aguerris. À l’origine de cette course mythique, se cache un récit antique, partiellement élucidé, qui deux millénaires plus tard inspira la création du marathon comme épreuve sportive. Plongez au cœur de l’invention du marathon, ou comment une histoire antique sans doute erronée a pu faire naitre l’un des plus grands défis de l’histoire du sport.
L’acte de naissance du marathon, une légende fortement débattue
Aux origines du marathon, l’histoire la plus largement répandue conte l’acte d’un certain Philippidès, messager grec qui au terme de la bataille de Marathon aurait parcouru en courant les quarante kilomètres séparant cette ville à Athènes afin d’annoncer la victoire des Grecs face aux Perses. Arrivé sur place, il aurait alors prononcé « Réjouissez-vous, nous sommes vainqueurs ! » aux archontes avant de mourir d’épuisement.
Racontée par Lucien de Samosate dans son traité intitulé « Sur une faute commise en saluant », cette version des faits est de nos jours grandement contestée par les historiens du monde antique. Tout d’abord parce que son récit n’est pas contemporain de la bataille de marathon. Cet événement s’étant déroulé en 490 av J.C, ce n’est que six siècles plus tard que Lucien de Samosate narra pour la première fois ce périple pédestre de Philippidès. Puis, cette histoire entre également en contradiction avec une source ayant le mérite d’être contemporaine des faits : l’Enquête d’Hérodote
Surnommé « Le Père de l’Histoire » par Cicéron, cet historien grec né quelques années après la bataille de marathon livre dans sa grande œuvre baptisée Enquête (ou les Histoires) une version légèrement différente de celle contée par Lucien de Samosate. Mentionnant bien un certain Philippidès, ce messager grec aurait en réalité parcouru plus de 220 kilomètres en amont de la bataille afin d’aller demande de l’aide à Spartes.
Au 1er siècle ap J.C, ce fut autour du philosophe Plutarque d’y aller de sa propre version des faits. En se basant sur des propos contemporains rapportés par Héraclide du Pont, il mentionna qu’au terme de la bataille, un certain Euclès aurait rallié en courant Marathon à Athènes afin d’y annoncer la victoire grecque au prix de sa vie.
Philippidès et ses 220 kilomètres d’un côté et Euclès et ses 40 kilomètres de l’autre. Au 1er siècle ap J.C, Lucien de Samosate a très certainement fait le choix de combiner ces deux récits pour n’en faire qu’un. Un moyen pour lui de gagner en crédibilité en mentionnant à la fois Hérodote et Plutarque : Deux grands auteurs de la Grèce antique dont leur savoir n’était que très rarement remis en cause. Mais alors, pourquoi ce récit sans doute erroné de Lucien de Samosate est-il de nos jours le plus populaire ?
Du récit antique au marathon moderne
Peut-être parce qu’elle est la plus récente ou la mieux contée, la version de Lucien de Samosate est celle qui resta à la postérité. Un récit mêlant drame et bravoure qui plut particulièrement aux peintres et poètes du XIXème siècle. En 1869, Luc-Olivier Merson peignait les traits d’un Philippidès au bord de l’agonie, livrant épuisé son message aux archontes athéniens heureux d’apprendre la victoire des leurs. Une dizaine d’années plus tard, ce fut autour du poète britannique Robert Browning de puiser son inspiration dans le récit de Lucien de Samosate en publiant un poème intitulé Pheidippides (Le nom donné à Philippidès en britannique).
Puis, au cours des années 1890, lorsqu’il eut l’idée de remettre les Jeux Olympiques antiques au gout du jour, Pierre de Coubertin fut approché par le linguiste Michel Breal qui, en prenant appui sur le poème de Robert Browning, lui suggéra de créer une épreuve inspirée de ce récit. Symbole de ce renouveau antique tant souhaité par le Baron, l’idée du marathon venait de naitre. Une course d’une quarantaine de kilomètres entre Marathon et Athènes, remportée en 1896 par le Grec Spyrídon Loúis à l’occasion des premiers Jeux Olympiques modernes.
L’épreuve étant reconduite lors des Olympiades suivantes, c’est en 1908 que le marathon fut pour la première fois mesuré à très précisément 42,195km. Cette année-là, lors des Jeux Olympiques de Londres, la distance fixée à 26miles (41,84 kilomètres) est prolongée d’environ 350 mètres sur demande du Roi Edouard VII, souhaitant voir les coureurs arriver sous sa loge royale. Une mesure qui deviendra la distance officielle du marathon en 1924 à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris.