Alors que dans trois mois vont s’ouvrir la XXXIIe olympiade de l’ère moderne, il y a désormais presque 130 ans, germait dans l’esprit d’un certain Pierre de Coubertin l’idée de remettre au gout du jour les Jeux Olympiques antique. Un projet fou, aux enjeux dépassant le simple aspect sportif certes, mais s’insérant parfaitement dans cette fin du XIXème siècle marquée par l’apparition des premières rencontres sportives internationales. Retour sur la naissance d’un événement majeur qui s’imposera rapidement comme la grande messe mondiale du sport.
De Coubertin, un réformateur du système éducatif avant tout
Prédestiné à une carrière militaire ou religieuse comme ses parents le prévoyait, Pierre de Coubertin réfuta rapidement cette voie toute tracée et prit gout pour les sciences humaines et sociales. Après être devenu bachelier en droit à l’École libre des sciences politiques, appelé de nos jours Sciences Po, de Coubertin partit vivre quelque mois en Grande-Bretagne. Un voyage qui le marqua pour le restant de ses jours et durant lequel il y découvrit la culture anglo-saxonne et son système éducatif qui mettait le sport au centre de l’enseignement.
De retour en France, il entama une carrière au sein du système éducatif français qu’il souhaitait à tout prix réformer. Voulant imiter le modèle anglais qui selon lui, était source du dynamisme et de la supériorité de la Grande Bretagne, Pierre de Coubertin créa le 1er janvier 1888 le Comité pour la propagande des exercices physiques dans l’éducation en compagnie de Jules Simon, ancien ministre de l’instruction publique. Comme son nom l’indique, cette institution récemment née militait pour intégrer les jeux et les activités physiques au programme scolaire.
Jouant dès lors un rôle majeur dans la réforme du système éducatif français et l’intégration du sport à l’école, il écrivit de nombreux articles vantant les bienfaits de l’activité physique pour les élèves. En 1890, il organisa le premier championnat de course scolaire d’Ile de France, réunissant des écoles aussi bien privées que publiques. C’est à cette même période que l’expression « Citius, Altius, Fortius » (Plus vite, plus haut, plus fort) fut créée par le prêtre et proviseur de lycée Henri Didon et devint la devise da la pratique sportive à l’époque, avant d’être reprise quelques années plus tard par Pierre de Coubertin et l’assimiler aux Jeux Olympiques modernes lors de leur création.
Parallèlement à son investissement dans le système éducatif français, le baron de Coubertin devint un ambassadeur du développement du sport en France. Dès sa création il intégra notamment la direction de l’Union des Sociétes Françaises de Sport Athletique (USFSA), la première grande fédération omnisport française créé en 1897 et en charge de l’immense majorité du sport au sein de l’hexagone.
Au fil des diverses cérémonies et des congrès auquel il put assister, tout particulièrement lors de l’exposition universelle de Paris de 1889 durant lequel il tissa de nombreux liens avec des intellects venus du continents américains, l’idée de créer un immense rassemblement sportif international commença à germer dans sa tête. Un festival. Une grande réunion entre les meilleurs athlètes de la planète qui, au-delà du simple aspect sportif, pourrait être le vecteur et le symbole d’une paix dans le monde et d’une amitié entre les peuples. En tant que grand admirateur du monde antique qu’il étudia durant sa formation, une rénovation des Jeux Olympiques, cette immense messe du sport créé au VIIIème siècle avant notre ère et rassemblant tous les quatre ans à Olympie les meilleurs athlètes grecs, pourrait en être le parfait symbole.
Avant lui, des premières tentatives de rénovation des Jeux Olympiques
Mais Pierre de Coubertin ne fut pas le premier à vouloir remettre au goût du jour les Jeux Olympiques antiques.
En 1795, un siècle avant lui, le député Charles-Gilbert Romme eut l’idée de créer les Olympiades de la République, une compétition sportive annuelle devant se tenir chaque année à Paris afin de fêter l’instauration de la Première République il y a de cela quatre ans.
Désireux de rendre hommage à la Grèce antique en nommant cette compétition sportive « Olympiade », la première édition de cet événement se tint le 22 septembre 1796 et se déroula sur une journée seulement. Au programme, épreuve de course à pied, course de chevaux mais également course de chars se déroulant comme durant l’Antiquité au sein d’une arène placée pour l’occasion en haut du Champ de Mars. Une cérémonie de clôture venait conclure cette olympiade. Le clou du spectacle étant un feu d’artifice tiré pendant que les grands vainqueurs défilaient triomphalement sur des chars tirés par des chevaux, comme durant l’antiquité. Une véritable fête populaire qui n’attira pas moins de 300 000 spectateurs. Fort d’une telle réussite, l’événement fut reconduit en 1797 et 1798 avant de disparaitre l’année suivante avec l’arrivée au pouvoir de Napoléon 1er.
Puis, au milieu du XIXème siècle une tentative de rénovation des Jeux Olympiques antiques fut orchestrée par le très riche homme d’affaire Grec Evangelos Zappas. La première édition s’étant tenu en 1858, il fallut attendre la seconde édition, en 1870, pour voir cette Olympiade gagner en intérêt avec pas moins de 30 000 spectateurs grecs venus assister à cet événement comptant à son programme des concours athlétiques, des courses de chevaux ou encore des épreuves de tir. Malheureusement, en dépit de l’engouement qu’il suscita en Grèce, la guerre franco-prussienne, faisant rage durant l’été 1870, fit de l’ombre à cette olympiade qui ne put jouir d’une portée internationale.
Enfin le milieu du XIXème siècle fut également le témoin d’une rénovation des Jeux Olympiques en Grande-Bretagne. Organisé par le docteur en médecine et magistrat William Penny Brookes, ces olympiades se déroulèrent chaque année depuis 1850 dans la petite ville de Much Wenlock situé dans le comté de Shropshire et étaient ouvertes à tous. On y retrouvait de nombreuses épreuves athlétiques et d’autres disciplines traditionnelles tel le football ou encore le cricket, mais aussi des courses de brouette, le jeu de la clochette ou encore la poursuite d’un cochon dans les rues de ce petit village, transformant ces olympiades en une grande fête de village avec des activités en tout genre. À mille lieues encore de la codification actuelle de nos Jeux Olympiques modernes. Malgré son caractère quelque peu rustique, cette grande fête du sport sut gagner en intérêt. Réunissant uniquement les habitants de ce petit village du centre de l’Angleterre lors des premières éditions, elles attirèrent rapidement de nouveaux compétiteurs de renommées nationales, venus de Londres ou encore de Liverpool. En 1890, un certain Pierre de Coubertin, en compagnie de l’ambassadeur de Grèce, fut même invité à assister à ces olympiades. Marqué par ce bel événement et par l’esprit sportif et olympique qui y régnait, il repartit enchanté de cette expérience après avoir notamment planté un chêne au centre du village comme témoin de son passage. Une visite durant laquelle il y parait, les premières discussions concernant la rénovation des Jeux Olympiques antiques à l’échelle internationale furent lancées.
La refonte des Jeux Olympiques, organiser une paix par le sport sur un fond de culture anglo-saxonne
Sa première invocation d’une refonte des Jeux Olympiques modernes au grand public remonte à novembre 1892 et fut un véritable échec. Malgré sa conviction et tout l’espoir qu’il vit en la création d’un tel événement, la présentation de son projet fut accueillie par de vives moqueries et de nombreux éclats de rire. La rénovation des Olympiades antiques fut rejetée.
Mais le contexte sportif de la fin du XIXème siècle marqué par la prolifération des premières rencontres sportives internationales, bien orchestrée par les étudiants, convint le baron de Coubertin à ne pas abandonner son projet malgré ce premier échec. N’ayant pas perdu son admiration pour la culture britannique, il resta convaincu que le sport était vecteur de grandeur et de magnificence pour les nations et pouvait contribuer à organiser une paix mondiale en associant aux Jeux et au sport les valeurs du libéralisme, particulièrement forte dans les pays anglo-saxons.
Motivé par cette volonté d’organiser une paix mondiale par le sport, Pierre de Coubertin revint à la charge le 16 juin 1894 au cours d’un congrès organisé par l’USFSA dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Réunissant pas moins de 2 000 participants venus de 13 nations différentes au sein desquels figurait de nombreux leaders du mouvement pacifiste, Pierre de Coubertin, en fin de congrès, présenta devant l’assemblée son projet de rénovation des Jeux antiques. Cette fois-ci, le baron sut convaincre son auditoire et les avis furent unanimes. Le 23 juin 1894, dernier jour de ce congrès, un vote scella officiellement la rénovation des Jeux Olympiques.
Comme un clin d’œil aux olympiades antiques, la première édition des Jeux modernes se tint en 1896 à Athènes. Le 6 avril de cette année, dans le stade olympique d’Athènes, le roi de Grèce Georges 1er ouvrit officiellement la première édition de ces Jeux modernes. Le début d’une longue histoire.
Et comme l’admiration du baron pour la culture anglo-saxonne ne semble avoir aucune limite, Pierre de Coubertin voulut intégrer de nombreux sports britanniques tel le tennis, l’aviron, le water-polo, le rugby, le football et le cricket au programme de la première édition des Jeux Olympiques. Malheureusement, par manque de participants qui ne purent faire le déplacement jusqu’à Athènes, les compétitions de football, de rugby, de water-polo ou encore de cricket furent annulées.
Viendront s’ajouter à ses épreuves de l’escrime et des concours de gymnastiques fortement populaires en France, mais aussi des épreuves faisant référence à la symbolique antique de ces Jeux tel le lancer de disque et bien évidemment le marathon. Cette mythique course de 42 kilomètres faisant référence à la légende du messager Grec Philippidès et courue pour la première fois lors de l’édition inaugurale des Jeux Olympiques modernes.