Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Au tennis, le décompte des points illustre parfaitement cette question rhétorique. Alors qu’il faut inscrire quatre points pour remporter un jeu (sans compter le cas d’une éventuelle égalité), le monde de la petite balle jaune se complique l’existence en comptant les points sous la forme suivante : 0-15-30-40 puis Jeu. Entre nous, un simple 0-1-2-3-4 aurait pourtant été bien plus compréhensible. Alors, d’où vient ce décompte étrange que l’on retrouve au tennis ?
Un héritage du jeu de paume
Selon l’hypothèse la plus répandue et la plus crédible, cette curieuse façon de compter les points serait un héritage du jeu de paume, l’ancêtre du tennis. Une règle stipulait en effet qu’à chaque point remporté, le joueur avait le droit de se rapprocher du filet. Débutant la partie sur une ligne tracée à 60 pieds du filet (soit 18 mètres), il devait s’avancer au fil des points gagnés de 15 pieds, 30 pieds et enfin 40 pieds. La logique voulait d’ailleurs que la ligne la plus proche du filet soit placée à 45 pieds du fond du court. Mais voyant que cela conférait un trop grand avantage, elle fut quelque peu reculée et tracée à 40 pieds.
Le tennis faisant son apparition en Grande-Bretagne durant la seconde moitié du XIXème siècle, les premiers joueurs s’inspirèrent de cette règle pour effectuer le décompte des points. Quant au système Avantage puis Jeu lorsque les deux tennismen sont à 40-40, il s’inspire encore une fois du jeu de paume. Lorsqu’un joueur était placé sur la ligne des 40 pieds, prêt à conclure la manche, on disait en effet qu’il disposait d’un « avantage ».
Le mystère subsisterait encore ?
Si cette explication reste la plus largement répandue, aucun texte historique faisant mention de cette règle des 15-30-40 pieds au jeu de paume n’a jusqu’à ce jour été retrouvé. De quoi remettre quelque peu en question la véracité de cette interprétation et faire germer de nouvelles hypothèses.
Une autre vision des faits, notamment relatée en 2001 par le trésorier du club de Paume de Fontainebleau Jacques Thédié, ferait remonter les origines de cet étrange décompte des points du système sexagésimal que l’on utilisait au Moyen-Âge. À l’instar de la mesure du temps au sein de laquelle une minute fait soixante secondes et une heure soixante minutes, ce système de numérotation reposant sur la base 60 était encore largement répandu au Moyen-Âge. Ainsi, au jeu de paume, les points se comptaient jusqu’à 60 selon la méthode 0-15-30-45-60, le nombre 60 cédant progressivement sa place au terme « Jeu ».
Une autre hypothèse stipulerait que les parieurs du temps du jeu de paume soient directement à l’origine de cet atypique décompte des points. La monnaie du Moyen-Âge en France reposant également sur un système sexagésimal (un écu valait 60 sous), les parieurs assistant à des parties de jeu de paume se mirent à compter les points selon ce même système, en annonçant également 15-30-45 puis 60.
À noter que pour chacune de ces deux hypothèses, la logique du système sexagésimal imposait que l’on effectue un décompte sous la forme 15-30-45 et non 15-30-40 comme c’est de nos jours le cas. Cette transformation découlerait en réalité d’un simple raccourci verbal utilisé par les arbitres de l’époque, lassés de prononcer le « cinq » de « quarante-cinq ».