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Le 19 mai 1996, Olivier Panis remportait dans les rues de Monaco son unique succès en Formule 1, au terme d’une course rocambolesque que seuls trois pilotes parvenaient à terminer. Jusqu’à la victoire de Pierre Gasly en 2020, ce Grand Prix restait le dernier triomphe d’un pilote français en Formule 1.
Le contexte : L’écurie Ligier dans le flou
Olivier Panis a attendu ses 27 ans pour découvrir le monde très fermé de la Formule 1. En 1994, son titre acquis en Formule 3000 lui offrait un baquet au sein de l’écurie Ligier. Un constructeur français engagé dans la catégorie reine du sport automobile depuis 1976, qui connut ses plus belles heures de gloire entre 1977 et 1981, lorsque leur pilote Jacques Laffite remportait six Grand Prix au volant de ces monoplaces bleues. Ligier terminait respectivement 3e, 2e et 4e du championnat des constructeurs entre 1979 et 1981, puis l’écurie française dégringolait dans la hiérarchie. Au tournant des années 1990, le constructeur tricolore n’était plus que l’ombre de lui-même. En 91 Grand Prix disputés entre 1987 et 1992, Ligier n’inscrivait que dix petits points.
En 1994, Olivier Panis débarquait ainsi dans une écurie en déperdition, malgré une saison 1993 plus convaincante durant laquelle les monoplaces bleues pilotées par un duo de pilotes britanniques décrochaient trois podiums. Mais la dynamique s’enrayait aussitôt et Ligier retombait dans ses travers. La saison 1994 était sauvée par les 2e et 3e places d’Olivier Panis et Éric Bernard au Grand Prix d’Allemagne, puis Ligier et ses nouveaux moteurs Honda décrochaient deux nouveaux podiums en 1995, dont une deuxième place d’Olivier Panis lors de la dernière manche disputée en Australie.
Le début de la saison 1996 n’était guère plus emballant. Ligier entamait sa 20e saison en Formule 1, mais son manque de budget compromettait la suite de son aventure dans la catégorie reine du sport automobile. Recruté pour équilibrer les finances, le pilote payant Pedro Diniz n’apportait que peu de garanties sportives. Son coéquipier Olivier Panis, lui, offrait à Ligier son premier point de la saison en terminant 6e d’un Grand Prix du Brésil pluvieux, avant de connaître deux abandons consécutifs au Grand Prix d’Europe et de Saint-Marin. Les deux ultimes manches avant le rendez-vous monégasque.
À Monaco, Olivier Panis impressionne mais joue de malchance
L’heure n’était clairement pas à la fête dans le garage de l’écurie Ligier. Leurs monoplaces jouaient les places d’honneur lorsqu’elles n’étaient pas trahies par la mécanique, impuissantes, comme toutes les autres, face à la domination sans partage des Williams qui avaient remporté les cinq premiers Grand Prix de la saison. Toutefois, les bons temps réalisés par Olivier Panis lors des essais libres du week-end monégasque redonnaient le sourire. Le Rhônalpin virevoltait entre les rails du tracé de Monaco, mais ne parvenait à confirmer sa maîtrise du circuit lors de la séance de qualification. Victime d’une panne électronique qui l’immobilisa durant de longues minutes, Olivier Panis ne réalisait que le 14e meilleur temps. Une position presque rédhibitoire sur un tel tracé où les occasions pour doubler sont une rareté absolue. Plus frustrant encore, le lendemain matin, à quelques heures du départ, Olivier Panis signait le meilleur temps du warm-up. Il était le plus rapide en piste, mais payait un lourd handicap qu’était cette 14e position sur la grille de départ.
La pluie joue les trouble-fête
Il lui fallait alors prier pour qu’une intervention divine ne lui ouvre la voie du succès. Et cette dernière tombait du ciel à une heure du départ, lorsqu’un violent orage éclatait au-dessus de Monaco. Sèche depuis le début du week-end, la piste devenait un miroir d’eau sur lequel les pilotes paradaient au ralenti, malgré leurs pneus pluie.
Le déluge s’arrêtait quelques minutes avant que les vingt-et-un acteurs ne prennent place sur la grille, mais le départ de ce 54e Grand Prix de Monaco était donné sur une chaussée détrempée. Une patinoire sur laquelle cinq pilotes se faisaient piéger dès le premier tour. Parti en pole, Michael Schumacher voyait son Grand Prix se terminer dès le double droite précédent l’entrée dans le tunnel, pliant sa suspension avant-gauche après s’être encastré dans le rail lors d’une perte d’adhérence. Jos Verstappen, Giancarlo Fisichella, Pedro Lamy et Rubens Barrichello étaient également au tapis. La liste des abandons s’allongeait lors des tours suivants et après seulement dix boucles, ils n’étaient plus que douze pilotes en course sur les vingt-et-un partants.
Prudent et appliqué, Olivier Panis, lui, profitait de cette hécatombe pour remonter dans le classement. Sa monoplace n’était pas le plus rapide en piste. Lui et son écurie Ligier avaient fait le pari de prendre le départ avec le maximum d’essence possible dans le réservoir, dans l’espoir de boucler le Grand Prix sans effectuer de ravitaillement. Un choix payant, qui lui fera gagner de nombreuses places à la mi-course grâce à un arrêt au stand express pour chausser des pneus slicks, quand les autres pilotes faisaient le plein de carburant. Olivier Panis remontait au 4e rang.
Trois pilotes terminent le Grand Prix, Olivier Panis triomphe
Au 36e tour de course, le pilote tricolore plongeait à l’intérieur de l’épingle du grand hôtel et réalisait un dépassement audacieux sur Eddie Irvine. Le Britannique tirait tout droit pour éviter la collision et se retrouvait coincé par les rails de sécurité, Olivier Panis lui ravissait la 3e place. Devant lui, Damon Hill qui menait la course depuis le premier tour était trahi par son moteur. Il immobilisait sa Williams à la sortie du tunnel et permettait à un duo de Français de prendre les commandes de la course. Jean Alesi devant Olivier Panis.
L’Avignonnais roulait plus vite que son compatriote et semblait voler vers un second succès en Formule 1, un an après sa victoire au Grand Prix du Canada. Mais alors qu’il venait de signer le meilleur tour en course, Jean Alesi s’immobilisait aux stands au 60e tour, suspectant une crevaison à l’arrière. Le constat était bien plus grave. Sa suspension arrière droite avait cédé. Sa Benetton repartait pour un tour avant de s’immobiliser définitivement. Jean Alesi laissait les commandes du Grand Prix à Olivier Panis, parti 14e et qui roulait désormais à l’économie. Contraint de gérer la quantité de carburant qui lui restait, le pilote français voyait David Coulthard, deuxième, fondre sur lui. Le Britannique revenait à moins de cinq secondes d’Olivier Panis lorsqu’au 75e tour de course, à trois boucles du terme du Grand Prix, la limite maximale des deux heures était atteinte et sonnait la fin de la course.
La délivrance pour Olivier Panis et les deux seuls autres pilotes qui tournaient encore sur le tracé monégasque. À bientôt 30 ans, le pilote français franchissait la ligne d’arrivée en tête et s’élançait pour un tour d’honneur avec le drapeau tricolore en main, savourant son premier (et unique) succès en Formule 1, sur l’un des tracés les plus mythiques du sport automobile. Quinze ans après la dernière victoire de Jacques Laffite, il offrait à Ligier un neuvième et dernier succès en Formule 1. À la fin de cette saison, l’écurie française clôturait un chapitre de vingt années dans la catégorie reine. Ligier était rachetée par Alain Prost qui lançait sa propre écurie : Prost Grand Prix, avec Olivier Panis dans le rôle du pilote n°1.